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      Les cachets ont dû faire effet car je me suis calmé. Cela doit bien faire une heure maintenant que mes parents m'ont appelé pour prendre de mes nouvelles. Je les ai rassurés du mieux que j'ai pu, et ça a été difficile pour ma mère de raccrocher. Elle s'inquiète beaucoup et j'y suis pour quelque chose. Petit, j'étais déjà très sensible, je pleurais pour un rien. Mais j'ai grandi maintenant, j'ai appris à me protéger et supporter. Le métier oblige. Mais cette fois, c'était différent. Cette fois, c'était « l'incident » de trop. Mais hors de question de l'inquiéter encore plus. Alors je les ai rassurés, ignorant mon propre mal-être.

      Mon doigt fait défiler mon écran. J'ai pris refuge sur les réseaux pour m'occuper. Même si Sejin me les a des conseillés. Surtout maintenant.
Sur Twitter, je suis en top tendance. Des milliers d'army parlent de moi, de ce qu'il s'est passé. Les hashtags #StayStrongJimin et #ProtectJimin sont partout. Ils prennent ma défense et débattent sur les événements. D'autres écrivent des messages de soutien et de compassion. Je ne peux m'empêcher de me sentir chanceux de les avoir, toujours là à nous soutenir et nous protéger. Mais ce ne sont que des mots sur un écran. En réalité, nous sommes seuls. Et après tout, c'est une Army qui s'est introduite chez moi. C'est à une Army que je dois les points de suture sur mon front. Je sais qu'ils ne sont pas tous comme ça, bien entendu. Et encore heureux. Mais comment connaître la personne qu'on a en face de nous? Comment être sûr qu'elle ne nous veut pas du mal? C'est comme partout, après tout. Et celle-ci n'est pas sortie de nulle part, d'un coup d'un seul. C'était une fan, une fan excessive. Et nous savons, je sais qu'il y en a. Mais je pensais ne jamais en être victime.

        J'ignore mes pensées qui resurgissent et me concentre sur mon écran. En plus des messages de soutien, beaucoup publient des édits de moi. Des « Jimin core » comme ils les appellent. Des vidéos censées montrer mon caractère et qui je suis. Utilisant des extraits dans lesquels je ris, m'amuse, fais n'importe quoi ou juste des choses mignonnes. Et ça me rend malade. Malade de voir comment je suis capable d'être et de me rendre encore plus compte que mon état actuel est totalement déplorable. Ça me met une claque me rappelant qui je suis vraiment et qui je suis actuellement. Sauf que je n'y peux rien. Je n'arrive même pas à rire de moi-même et me dire : Putain, mais Jimin, tu es ce type souriant, confiant, beau, drôle et plein de vie que ces gens montrent.
Ce Jimin-là me paraît bien lointain.

   Je pose finalement mon téléphone sur la table et me dirige vers la cuisine. Il est presque 19 heures, et je commence à avoir faim, le pauvre sandwich de la station service de ce midi n'est plus efficace. J'ouvre les tiroirs et découvre avec satisfaction que Sejin a tout prévu. Des ramens instantanés se trouvent dans les placards, et ça me ravit, car plus que jamais, je n'ai pas envie de cuisiner. J'en prends un, au canard, et commence à faire chauffer l'eau.

      En attendant que l'eau bout dans la bouilloire, mes pensées continuent de tourbillonner. Comme un moteur qui ne s'arrête jamais de tourner. Pourtant, je pensais que c'était le but des antidépresseurs et anxiolytiques.
Mais ça va, elles ne sont pas sombres. Je me demande surtout ce qu'il va se passait maintenant. Que vais-je faire ici ? Vais-je réussir à sortir, à écrire, ou même à composer dans le studio qu'ils ont installé dans le petit salon ?
Mes doigts tambourinent nerveusement sur le comptoir alors que je laisse ces questions sans réponse flotter dans mon esprit. Car enfaite, je n'en sais rien. Tout ce que je sais, c'est qu'à l'heure actuelle je n'en ai aucune envie. Et je n'en tirerais aucune satisfaction.

     Le bruit de la bouilloire annonçant que l'eau est prête me sort de mes pensées. Je la verse dans la boîte de ramen, et prends mes boîtes de comprimés que je mets dans les poches de mon sweat. J'attrape aussi une gourde d'eau avant de partir dans le petit salon du fond, sans oublier mes baguettes pour manger.

     En arrivant dans le petit salon, j'allume la lumière et vais m'assoir sur le canapé du fond et pose les ramens sur la table basse, attendant que l'eau bouillante fasse effet sur les nouilles et les réchauffe. Je sors mes boites de comprimés et commence à les ouvrir. La nuit commence à tomber, et je jette un œil par la fenêtre donnant sur le jardin. Celui où il n'y a pas de clôture. Je n'ai pas fermé les stores de cette pièce. C'est là que j'aperçois, avec effroi, une silhouette sombre près des buissons. Mon cœur rate un battement. Sans réfléchir, je me jette au sol, les boites de comprimés s'éparpillant autour de moi. Mon cœur bat si fort que j'ai l'impression qu'il va éclater. Ma respiration s'accélère d'un coup et je suis pris d'une bouffée de chaleur.

    L'angoisse grandit en moi comme une vague prête à me submerger et des milliers de questions me traversent l'esprit. Qu'est-ce que c'était? Un humain? Un buisson? Non, ça marchait. Et si on m'avait suivi? Retrouvé? Est ce que c'est elle? Non. Impossible. Elle a été arrêtée. Les souvenirs de l'agression récente défilent devant mes yeux, et je serre les poings, essayant de contenir la panique, en vain. Je suis pris de bouffée de chaleur et de sueur froide. Je ferme les yeux, essayant de me concentrer sur ma respiration comme je l'ai appris.
Calme toi Jimin, calme toi. Tu as peut-être halluciné.

    Après quelques instants, je prends mon courage à deux mains et relève la tête pour voir. Tremblant de peur, je me redresse lentement, mes yeux scrutant la pénombre à travers la fenêtre.
Plus rien. Il n'y a plus personne. Mon cœur bat toujours la chamade, mais je me précipite pour fermer les stores, et me remettre par terre une fois les boutons pressés. Ils descendent doucement, trop doucement, faisant durer la tension en moi alors que je ne les quitte pas des yeux.
Une fois qu'ils sont totalement fermés, je m'empresse de ramasser les comprimés et de les remettre dans leur boites avant de les fourrer à nouveau dans mon sweat, attrape mon ramen et la gourde et me dépêche d'aller vérifier que l'alarme est bien enclenchée. Oui, forte heureusement. Mes yeux se posent sur la batte de baseball au sol. J'hésite, l'espace d'une seconde avant de la prendre et de la caler sous mon bras. Attrapant au passage le téléphone rouge qui me permet d'appeler la police.

    Je m'assure que tout est en ordre avant de remonter en vitesse dans ma chambre. La porte vitrée se referme derrière moi avec un clic rassurant. J'appuie frénétiquement sur le bouton pour descendre les stores, avant de m'effondrer sur le lit, ramenant le bol de ramen près de moi. Je pose la batte à mes côtés et soupire. Mon cœur se calme un peu, mais l'anxiété... l'anxiété, elle, persiste.
Je prends une bouchée de nouilles, mais le goût me semble fade, presque absent. Mes pensées sont trop bruyantes pour que je puisse apprécier quoi que ce soit. Mais je me force à manger, rapidement. Mes yeux ne quittant pas la porte maintenant cachée par le store. La peur que quelqu'un arrive. Que ça toque sur le store. Le bruit métallique que ça créerait. Tout ça monte ne moi dans une angoisse profonde.
Je dois m'occuper l'esprit.

    Je finis rapidement de manger, avale mes comprimés et pose le bol de ramen vide à terre avant d'attraper mon ordinateur. Je m'installe plus confortablement et l'ouvre. Je cherche désespérément un film ou une vidéo, quelque chose, n'importe quoi, pourvu que ça me distrait de cette angoisse oppressante. Je lance un film sur Netflix avant de poser mon ordinateur un peu plus loin pour pouvoir attraper la batte et la positionner stratégiquement contre moi. Je sors mon téléphone de ma poche et écrit rapidement un message aux gars pour m'excuser, dire que je suis fatigué et que je ne pourrai pas les appeler ce soir. C'est un mensonge, bien entendu, mais hors de question de leur montrer l'état de panique dans lequel je me trouve actuellement.
Ils doivent être à 100% pour la tournée et je ne veux pas qu'ils s'inquiètent plus pour moi qu'ils ne le font déjà.

   Une fois fait, je branche mon téléphone et le pose sur la table de chevet, me tournant à nouveau vers le film. Je tente désespérément de me concentrer sur le film, mais mes yeux reviennent sans cesse vers la porte, chaque bruit amplifiant l'oppression du silence qui m'écrase.

Serendipity . P.JM.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant