Chapitre 5

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Les sourcils froncés, Skye observait le ciel blafard qui déversait de lourds flocons sur la forêt. Elle soupira, laissa retomber le pan de toile de tente, perdue au milieu d'un bosquet d'arbres, exactement au même endroit que deux mois plus tôt.

Au fond de la tente, un androïde, qui devait s'appeler Adam, patientait, près de la faille qui grésillait doucement. Valériane, plus calme, attendait, assise sur une malle impressionnante. C'était une malle de voyages des plus communes à cette époque, à quelques détails près. Elle n'était pas en bois, même si elle semblait l'être, elle était verrouillée par un cadenas à code que même une balle ne pouvait faire sauter, et elle avait un double-fond, que Skye avait rempli de matériel médical et d'autres choses qu'elle avait estimées tout aussi importantes.

— Mais qu'est-ce qu'il fout ? grommela-t-elle en soufflant sur ses doigts gelés malgré les gants.

Valériane la regardait faire les cent pas, autant pour se réchauffer que pour marquer son impatience. Elle-même n'était pas plus rassurée, pour d'autres raisons, mais n'en montrait rien, une seule surexcitée suffisait. Ce qui l'inquiétait, c'était la neige qui recouvrait le paysage et faisait ployer les branches. On était au cœur de l'hiver, un vrai hiver comme la France n'en connaissait plus. Ça n'allait pas faciliter leur marche, et elle ne savait si Skye pourrait aller jusqu'à Paris dans cette poudreuse.

Elles avaient passé la faille au cœur de la nuit, mais avaient débarqué en plein jour. Ce n'était pas une surprise, le drone envoyé pour sécuriser leur arrivée leur avait transmis l'information, en revanche le temps ne permettait pas de dire quelle heure il pouvait être. Apparemment, la journée était bien avancée. La neige devait tomber depuis longtemps à voir l'épais tapis de plusieurs centimètres qui recouvrait le sol. Elles mettraient bien plus de temps que prévu à rejoindre Paris. Peut-être même ne l'atteindraient-elles pas avant la nuit.

— Les analyses doivent être sûres, répondit-elle calmement.

— Mais ce sont les deuxièmes, protesta Skye. Ça fait une plombe qu'on se les gèle !

— Si pour toi, une plombe signifie une demi-heure...

Skye marmonna dans sa barbe et Valériane sourit, amusée. Skye était une impatiente, un de ses nombreux défauts que sa faiblesse n'avait pas réussi à tempérer. Elle se pencha sur le thermos et versa du café chaud dans un mug.

— Bois ça en attendant.

L'amour de Skye pour le café était un fait avéré. Dans les rapports quotidiens d'Ève, il était noté qu'elle pouvait en boire des litres si on ne la tempérait pas. En ça, elle ressemblait à sa sœur, Julia, dont c'était le carburant préféré...

— Le café existe ici ? demanda-t-elle pour détourner son attention.

Skye finit par s'asseoir à ses côtés, ôta ses gants pour prendre le mug et serra ses doigts autour pour bénéficier de la chaleur diffusée par la boisson chaude.

— Non, répondit-elle. En tout cas, je n'en ai jamais vu. Pas de thé, pas de chocolat, mais Albert m'a fait découvrir un boisson à base de gland torréfié. C'est pas mauvais, mais ça ressemble pas à du café.

Elle porta le mug à ses lèvres et but une gorgée, soupira d'aise.

— Avoue que tu en as mis dans ta malle, sourit Valériane.

Skye lui jeta un regard ironique.

— Avoue que tu as vérifié ! rétorqua-t-elle.

— Ils me l'ont demandé, se défendit son amie.

— Tu as retiré quelque chose ?

Valériane hocha la tête.

— Pour faire bonne mesure, fit-elle en se servant une tasse de café. Rien qui ne te manquera vraiment.

Quatre Siècles et une Croix - II - Revenir Vers ToiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant