Chapitre 17

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Athos et Porthos étaient rentrés la veille de Noël. Ils avaient accompagné Aramis jusqu'à Lyon, puis l'avaient laissé continuer sa route. Ils n'avaient pas posé de questions. Aramis partait ils ne savaient où, et s'ils s'inquiétaient, ils gardaient leur inquiétude pour eux.

Pour tromper sa frustration, Skye décida de faire découvrir le Noël moderne à ses amis. Ici, c'était une fête religieuse ponctuée de messes qu'elle évita avec beaucoup d'habiletés, malgré les sollicitations de Constance.

Elle ouvrit la bourse du Roi, se rendit sur le marché et acheta tout ce qu'il fallait pour faire un banquet, et un cadeau pour Charlie et Constance. Elle devrait, cependant, se passer d'arbre et de décoration.

Elle fit cuire la dinde énorme par Serge, elle ne voulait pas la brûler dans sa petite cheminée, et invita ses amis. Elle n'avait pas eu besoin de supplier Tréville pour qu'il leur accorde cette soirée. Il se mettait à plat ventre dès qu'elle lui demandait quelque chose.

Ils s'étaient amusés et elle leur avait raconté les Noëls du 21ᵉ siècle, leurrant son esprit dans une pseudo-normalité. Quand Constance avait proposé d'aller à la dernière messe, elle avait même accepté, pour une seule raison. Quel que soit l'endroit où était Aramis, il avait trouvé une église. Il ne manquerait pas cette messe, et si elle ne communiait pas avec Dieu, au moins communierait-elle avec lui.

C'était sans compter sur la fatigue. Constance dut la réveiller à coups de coude toutes les cinq minutes. Elle ne réitéra pas l'expérience à la messe du jour de l'an, cessa même de lui reprocher de ne pas aller à la messe au moins le dimanche. C'était peut-être aussi ça, la magie de Noël.

Les deux fêtes passées, la routine quotidienne reprit son court.

Les jours, puis les semaines s'égrainèrent, Skye s'arrondissait, et les sourires et les salutations sur son passage se faisaient de plus en plus attentionnés. La garnison entière était aux petits soins pour elle. Serge lui préparait tous ses repas, y compris ceux du soir, qu'elle n'avait plus qu'à réchauffer et l'un des trois mousquetaires, parfois même les trois, la raccompagnait chez elle. Lorsque c'était Porthos, et c'était souvent lui, il restait lui tenir compagnie.

Mais rien n'y faisait.

Le rythme lent de la garnison berçait ses journées. Bloqué par la neige abondante, le roi restait au Louvre et de ce fait, les mousquetaires restaient à Paris. Désœuvrés la majorité du temps, ils buvaient, et un mousquetaire saoul cherchait forcément la bagarre. Elle ne comptait plus les bosses et les plaies qu'elle devait soigner, mais ne se plaignait pas. Au moins, accaparée par son travail, elle ne pensait pas à Aramis.

Il était parti depuis ce qui lui semblait une éternité et les jours s'écoulaient l'un après l'autre dans une insupportable attente d'un mot, d'une nouvelle qui pourrait la rassurer sur son sort.

Mais elle comprit très vite qu'elle n'aurait jamais ni ce mot, ni cette nouvelle.

Alors, elle s'épuisait au travail, s'endormait sitôt la tête posée sur l'oreiller, et rêvait de lui. Ou plutôt cauchemardait. Elle se réveillait invariablement en pleurs et mettait un temps infini à se calmer. Elle savait pourtant que pour le bien du bébé, elle devait trouver un équilibre, prendre soin d'elle, mais rien n'y faisait ; son sens de l'humour l'avait irrévocablement abandonné et son humeur s'était largement aggravée.

Pourtant, il y avait un rayon de soleil dans sa vie : Philippe. Elle avait découvert un garçon attachant, plein d'humour, poli sans être obséquieux et travailleur. Elle avait remarqué qu'il suivait avec intérêt les soins qu'elle prodiguait aux blessés et n'hésitait jamais à poser des questions, souvent pertinentes. Une idée lui trottait dans la tête. Ce gamin n'était pas devenu cadet par plaisir, elle en était certaine.

Quatre Siècles et une Croix - II - Revenir Vers ToiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant