L'épaule appuyée contre la porte, Skye observait Aramis en silence. Il était évident que quelque chose le tracassait. Il avait avalé son souper en répondant par monosyllabe, et souvent à côté, à ses questions, puis s'était levé et avait disparu dans la chambre. Certes, elle ne s'attendait pas à le voir l'aider à faire la vaisselle, un homme qui préférait coucher avec sa logeuse pour qu'elle passe le balaie à sa place n'avait visiblement jamais entendu parler du partage des tâches ménagères, mais elle aurait aimé qu'il reste avec elle pour bavarder. Au lieu de ça, il était assis dans ce fauteuil, pensif, le visage tourmenté, sa Bible fermée posée sur l'accoudoir.
Il était redevenu cet homme qu'elle avait vu, quelques semaines plus tôt, chevauchant derrière ses amis, perdu.
Et il était comme ça depuis qu'il était revenu du Louvre.
Ce midi, il avait raconté à ses amis son entretien avec le Roi et ses remontrances pour avoir fait des trous dans les rangs des gardes de Son Éminence.
En voyant la bourse et les six livres, d'Artagnan avait grommelé qu'il devrait peut-être s'y mettre, Porthos avait grommelé qu'il n'y avait pas de justice, et Athos... Il avait pincé les lèvres. Depuis quand Le Roi faisait venir un mousquetaire pour lui parler des gardes rouges qui disparaissaient prématurément ?
Néanmoins, il avait empoché sans se faire prier celle qui lui revenait. Une autre était destinée à payer le tavernier qu'Aramis avait insulté. Les quatre dernières s'ajoutaient à celles, fausses, de Skye. Un petit pécule qui ne faisait pas d'eux des personnes riches, mais qui leur permettraient de payer le loyer sans devoir coucher avec les proprio. Skye avait découvert que les loyers parisiens étaient aussi prohibitifs au 17ᵉ siècle que quatre cents ans plus tard.
Elle soupira. Comme Athos, elle n'était pas dupe.
— Tu as passé une bonne journée ? demanda-t-elle pour la seconde fois de la soirée.
Il répondit de la même manière que la première.
— Hum...
Elle vint s'agenouiller devant lui, posa ses mains sur ses genoux.
— Es-tu conscient que tu viens de m'avouer que tu avais la vérole ? sourit-elle.
— Quoi ? s'exclama-t-il, revenant enfin à la réalité.
Elle secoua la tête en riant.
— Bien, maintenant que j'ai toute ton attention, vas-tu me dire ce que tu as ? Tu n'as pas aligné deux mots depuis qu'on est rentré.
Il finit par sourire.
— Pardon. Je suis juste fatigué.
— Ça, c'est une excuse typiquement féminine, avec la migraine, bien entendu !
Elle se redressa et s'assit sur le bord du lit.
— Tu es taciturne depuis le Louvre. Qu'est-ce qui s'est passé ?
Il haussa les épaules.
— J'ai contrarié le Roi, marmonna-t-il. Il a ordonné à Tréville de me donner un congé, fit-il. Après ce qui s'est passé, il veut...
Il se racla la gorge, le regard fixé sur la couverture de la Bible avec laquelle il jouait.
Mentir à Skye la main sur la Bible. C'était le seul moyen pour qu'elle le croie, et il savait depuis longtemps qu'il valait mieux contrarier Dieu que contrarier sa femme.
— Il veut que je quitte Paris un moment, fit-il.
Skye fronça les sourcils.
— Quoi ? Pourquoi ne m'en a-t-il pas parlé ? Et où irons-nous ?
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Quatre Siècles et une Croix - II - Revenir Vers Toi
FanfictionQuelque chose ne tourne pas rond dans le monde de Skye. En dehors du fait qu'elle ne se sent plus chez elle au 21ᵉ siècle, en dehors du fait qu'Aramis lui manque, il y a autre chose de plus pernicieux. Quand elle comprend enfin ce qui se passe, sa d...