Chapitre 7

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— Tu sais que j'aurais pu faire le chemin toute seule ? fit remarquer Valériane.

— Hum ? fut la seule réponse qu'elle obtînt.

La tête ailleurs, Skye marchait droit devant, avançant au milieu des Parisiens matinaux qui s'affairaient dans les rues, sous un ciel bas et gris, mais qui avait néanmoins décidé de garder sa neige pour lui.

Ce matin, reposée et les idées plus claires, ses inquiétudes se précisaient. Elle était désormais certaine de ne plus avoir sa place à la garnison.

— Un an, marmonna-t-elle. Tu te rends compte qu'on est en décembre 1634, alors que je suis partie en septembre 1633 ?

Valériane haussa les épaules. L'étonnement passé, ça ne lui paraissait plus aussi aberrant.

— Nous savions que les failles étaient erratiques, nous en avons maintenant la preuve.

Ce n'était pas la fiabilité temporelle qui inquiétait Skye. C'était Aramis. Elle n'avait pas insisté hier soir auprès de Constance, même si elle brûlait d'en savoir plus, mais son amie avait raison. Seuls Athos, Porthos et d'Artagnan pourraient lui en dire plus, et elle n'avait pas d'autre choix que de se rendre à l'Hôtel des Mousquetaires. Elles auraient pu attendre le retour de D'Artagnan, mais il y avait la malle à récupérer, et Valériane ne pouvait s'attarder plus longtemps. Elles feraient d'une pierre deux coups.

Valériane grommela sous sa capuche et Skye sortit enfin de son mutisme.

— Quoi ?

— Je disais que me traîner jusqu'ici, c'était une excuse vaseuse pour ne pas te présenter seule devant tes amis ! Avoue que tu as une trouille bleue !

Skye grimaça.

— Oui, admit-elle. C'est...

Elle s'arrêta soudain et Valériane repoussa légèrement sa capuche qui lui gênait la vue. Le porche de la garnison s'ouvrait de l'autre côté de la place. Deux hommes montaient la garde en piétinant, emmitouflés dans de grands manteaux en laines épaisses, les mains tendues au-dessus d'un brasero. Skye remplit ses poumons d'air glacé puis expira lentement, exhalant une longue brume dont les minuscules gouttelettes givrèrent aussitôt, tombant au sol avec grâce.

— Prends ton temps, fit Valériane avec douceur.

Skye hésitait. Peu à peu, la vérité faisait son chemin dans son esprit.

— Je croyais que ce serait un sacrifice, murmura-t-elle. La seule chose à faire pour sauver ma fille.

Valériane prit sa main pour attirer son attention.

— Et tu t'es trompée, sourit-elle.

Skye secoua la tête en souriant, fixant toujours le large porche.

— C'est si évident ?

— Tu as passé deux mois à essayer de savoir ce qu'ils étaient devenus. Tu as oublié le nom de l'androïde qui vivait avec toi H24, mais pas le nom de chaque homme que tu as soigné ici. Ce sont tes amis.

Skye secoua doucement la tête.

— J'ai l'impression de rentrer à la maison ! C'est dingue, je suis une enfant du progrès, j'ai été élevée avec internet, j'ai grandi dans une civilisation hyper-industrialisée, et pourtant...

Elle haussa les épaules.

— Je ne comprends pas comment c'est possible, finit-elle dans un murmure.

Dans la neige devant elle, un rouge-gorge effronté piétait au milieu des personnes, cherchant de quoi manger près des tas de détritus qui, au grand jour, affleuraient sous la neige.

Quatre Siècles et une Croix - II - Revenir Vers ToiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant