Chapitre 9

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Les poings sur les hanches, Skye regardait l'infirmerie, blême de rage, sous l'œil éberlué des quelques hommes couchés dans les lits.

— Non mais sérieux, qu'est-ce qu'il a foutu ?

Elle comprenait maintenant le mot "bordel" lâché par Tréville la veille. C'en était un beau ! L'infirmerie était immonde et sens dessus dessous. Et ça puait ! Seigneur, c'était encore pire que lorsqu'elle était entrée ici la première fois. En un an, ce petit merdeux avait saboté tout son travail. Elle prit une profonde inspiration pour se reprendre et ouvrit les fenêtres pour aérer. Au moins, il y avait un bon feu dans la cheminée et le froid ne s'installerait pas dans la pièce.

Cependant, avant de commencer le nettoyage, elle devait s'occuper des patients. Ils étaient huit, allongés dans des draps crasseux, et après examen, elle s'étonna de n'en trouver que trois particulièrement faibles.

— C'est grâce à Aramis, lui souffla un des hommes. Il passe dès que l'autre est parti.

Elle sourit. Ça, c'était son Aramis !

Elle décida de renvoyer dans leur chambre les moins faibles avec ordre de ne pas en bouger. Les trois autres avaient besoin d'une surveillance, et elle allait devoir nettoyer au moins une partie de l'infirmerie pour les installer correctement.

Elle n'avait pas fait le quart de son programme de réhabilitation des lieux quand les cloches sonnèrent la prière de midi, et elle était déjà épuisée. De plus, Bébé réclamait son repas à cor et à cri. Elle devait abandonner ses malades, juste le temps de manger un peu, où elle ne tiendrait jamais la distance. Même si Tréville lui avait dit qu'il lui trouverait quelqu'un pour l'aider, personne ne s'était présenté. Il fallait qu'elle le presse, elle avait vraiment besoin d'aide. Elle s'assura une dernière fois que ses trois derniers patients pouvaient se passer d'elle avant de jeter sa cape sur ses épaules et de quitter l'infirmerie. Elle aurait préféré que quelqu'un soit là, mais elle n'avait pas le choix. Elle devait penser à les nourrir, et à nourrir ceux qu'elle avait renvoyés dans leur chambre.

Il avait cessé de neiger, mais le ciel bas promettait de nouvelles averses. Les allers et venues avaient tracé des chemins dans la neige, mais cette neige tassée s'était transformée en patinoire. Heureusement, elle avait prévu des bottines à la semelle épaisse, capable de survivre aux immondices des rue de Paris et antidérapante. Elle traversa la cour, relevant ses jupes aussi haut que la décence le permettait, en pensant à Serge. Le vieil homme était rentré, un homme qu'elle avait soigné dans la matinée le lui avait confirmé, et elle avait hâte de le revoir.

Mais quand elle entra dans les cuisines, où des mousquetaires se restauraient après leur entraînement matinal, elle sut que quelque chose n'allait pas.

Il y eut d'abord ce silence, inhabituel en ce lieu qui résonnait toujours des discussions animées, des rires, parfois des disputes. Il se fit à la seconde où elle apparut. 

Elle se figea et le vieil homme se retourna, la fusilla du regard. Elle perdit son sourire. Elle venait juste d'arriver, elle ne pouvait quand même pas l'avoir froissé ? Pas aussi vite ?

— Madame Lesourd ! grinça-t-il.

Elle cilla. On était loin des "Mon Petit" ou "Ma chère enfant" qu'il lui servait avant son départ. Elle lui adressa un sourire crispé, décontenancée.

— Euh... bonjour, Serge, bafouilla-t-elle. Comment allez-vous ?

On aurait entendu une mouche voler. Skye Lesourd allait se faire tancer devant tous les mousquetaires et les cadets. En soi, c'était une petite revanche pour eux qui avait presque tous eu affaire à son caractère bien trempé. Le problème, c'est qu'elle ne savait pas pourquoi ! Serge était là lorsqu'elle était partie, et il l'avait longuement serré dans ses bras. Que s'était-il passé ? Du coin de l'œil, elle repéra Athos et Porthos assis à la table qu'elle occupait le matin même, le visage impassible du premier contrebalançant le sourire goguenard du second. Elle gémit intérieurement. Elle n'allait pas aimer ça. Du tout !

Quatre Siècles et une Croix - II - Revenir Vers ToiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant