Chapitre 6

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La pièce fit son effet et une heure plus tard, le paysan les déposait près de la porte de la Bastille avant de poursuivre son chemin. Là, deux gardes à moitié endormis, debout devant un brasero, et l'haleine chargée de l'alcool qu'ils avaient englouti pour vaincre le froid, leur jetèrent un regard amorphe avant de les laisser passer sans dire un mot.

Mais comme l'avait craint Valériane, il faisait nuit et elle avait déjà son arme à la main, un taser, pas question de tuer qui que ce soit, quand elles avaient passé les gardes.

— Et maintenant ? demanda-t-elle.

Skye fronça les sourcils. Paris n'avait plus rien à voir avec la ville qu'elle avait quittée quelques mois plus tôt. Recouvertes d'un manteau blanc, les rues habituellement remplies d'immondices semblaient immaculées, mais elle savait qu'il ne fallait pas s'y fier. Les rues n'étaient pas encore éclairées, il faudrait attendre Louis XIV pour cette belle innovation, et le ciel plombé ne laissé aucun espoir de voir où elle mettait les pieds.

Elle pinça les lèvres, et sortit une petite lampe de sous sa cape.

— Ben voyons, grommela Valériane quand elle l'alluma.

— Désolée, mais y'a des rats qui feraient concurrence à Adam. Pas question qu'ils m'approchent ! s'insurgea Skye.

— Et t'a planqué autre chose sous ta jupe ?

Skye lui sourit, narquoise.

— Je savais que tu épurerais ma malle...

Valériane ronchonna.

— Me dis pas qu'Eve n'a rien dit. C'est elle qui a cousu les poches secrètes dans ma jupe !

Les poches ? Skye !

— Oh ça va, vous n'en entendrez même pas parler ! Allez, suis-moi, et reste en alerte

Elle braqua la lumière sur le sol et avança, suivit d'une Valériane qui oublia son irritation, aux aguets. Les rues semblaient vides, mais elle ne s'y fiait pas. Si Skye se méfiait des rats, elle se méfiait des ombres dont elle sentait les regards hostiles les suivre dans leur progression.

À côté d'elle, Skye restait silencieuse, en proie à d'autres dilemmes. Progressivement, le doute s'installait. Soudain, elle n'était plus très sûre d'elle. Elle n'avait pas envie de se pointer comme une fleur à la garnison après deux mois. Même si elle était partie en bons termes avec ses amis, rien ne lui disait qu'elle y avait encore sa place. Elle avait une meilleure idée. Un endroit où passer la nuit à l'abri, et surtout pour prendre la température.

— On est arrivé, fit-elle enfin.

Valériane cessa de regarder autour d'elle pour se concentrer sur la maison qui s'élevait de l'autre côté de la place. Skye les avait conduites chez les d'Artagnan.

— Tu es sûre que c'est raisonnable ? souffla-t-elle en s'arrêtant.

— Constance et d'Artagnan ne me fermeront pas leur porte, et on n'a pas vraiment le choix.

— Pourquoi pas la garnison ? Vu ce que tu m'as dit de Tréville, il ne te fermera pas la porte non plus.

Skye pinça les lèvres.

— Il n'est peut-être pas là, marmonna-t-elle. Et si les inséparables ne le sont pas non plus, on ne nous laissera pas entrer.

Même si c'était frappé au coin du bon sens, Valériane devinait qu'il y avait autre chose. Son amie semblait indécise.

— De quoi as-tu peur ? demanda-t-elle.

Skye haussa les épaules.

— J'en sais rien, avoua-t-elle. Je... je ne représente plus rien pour eux.

Quatre Siècles et une Croix - II - Revenir Vers ToiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant