Érika
Dans le hall de la gare je suis avachie sur ma valise et j'attends, sauf que je n'ai prévenu personne de mon retour. Je n'ose pas annoncer à mes parents que je n'irai pas plus loin dans mes projets. Démunie je fixe mon portable, je défile la liste de mes contacts, un nom m'interpelle mais je refuse d'appeler au secours.
Je me redresse et m'installe sur la terrasse du café de la gare. Peut-être qu'avaler un café m'aidera à y voir plus clair. Cette situation est complément ridicule mais j'ai la sensation d'avoir échoué cette fois-ci. J'aurai dû remarquer plus rapidement qu'un élément ne fonctionnait pas, mais j'étais trop heureuse d'être sélectionnée à cette audition. C'était un rêve éveillé qui m'a conduit en enfer.
J'ai lutté pendant des mois et des mois. Je me suis repliée sur moi même jusqu'à en perdre l'appétit. J'ai des difficultés à tenir sur mes jambes vu le nombre de kilos que j'ai perdus. J'ai honte. Je n'ose affronter le regard de mes proches. En tirant ma valise derrière moi, je m'installe sur la terrasse et me commande un café. Je fixe à nouveau mon portable. J'appelle, je n'appelle pas ? J'hésite. Mon cœur bat, mes mains deviennent tremblantes. C'est n'importe quoi. Est-il occupé ? Va-t-il être d'accord pour m'aider ?
Nous ne sommes ni ami, ni proche. Il est simplement le meilleur ami de mon frère. Je le côtoie par obligation. C'est en tout cas ce que j'aime me raconter pour éviter d'avouer que le charme de cet homme m'a ensorcelée dès que j'ai posé les yeux sur lui. Jamais je ne lui dirai, il serait bien trop flatté par ce compliment.
Mettre un pied à Toulon veut dire immédiatement penser à lui, au plus je tente de me l'interdire au plus j'y prête attention. Je ne cesse d'hésiter. Le serveur m'apporte le café. Je n'ai toujours pas pris de décision.
Hors de question que je me confronte à mon frère, ma belle sœur ou mes parents. Mon meilleur ami est à l'étranger, il ne peut pas m'aider. Je tourne en rond. Je sais pourtant comment je dois m'y prendre. Il me suffit d'appuyer sur le bouton appel et il arrivera pour me dépanner comme toujours.
Je ferme les yeux quelques instants. Je pose mon téléphone. Ce n'est que partie remise. Il va bien falloir que je me décide. Je ne peux rester ici toute la journée, je finirai par m'enraciner à la gare.
Dans l'attente d'être à domicile, je déguste cette atmosphère, et savoure cette lumière, pas de doute je suis chez moi. J'aime beaucoup Paris mais je ne m'y suis jamais sentie légitime. En dehors de la danse et de mes copines rien d'autre ne me motive à y demeurer, encore moins depuis que j'ai claqué la porte de la compagnie de danse dans laquelle j'étais si fière d'être entrée. Quelle erreur.
La tasse est maintenant vide. Je dois agir. Mon téléphone me fait à nouveau de l'œil, finalement je me décide. Je lance ce fichu appel, le cœur battant.
- Allo ?
Cette voix. Il ne s'en rend pas compte mais il me déstabilise à chaque fois.
- Dan ? C'est Érika !
- Oui j'ai vu ta sale tête s'afficher.
Premier pic, il y avait longtemps.
- Je... j'hésite. J'ai des difficultés à trouver mes mots.
- Que se passe-t-il ? L'inquiétude dans la voix de Dan me culpabilise. J'ai perdu mon assurance et je me maudis pour cela. Habituellement je l'aurai envoyé promener, il m'aurait rembarré, c'est ainsi depuis des années.
- Je suis à la gare de Toulon, peux tu me récupérer sans prévenir mon frère ou mes parents s'il te plaît.
- Ne bouge pas. J'arrive tout de suite. Il n'attend pas ma réponse et raccroche immédiatement.
Je souris, j'ai toujours pu compter sur lui en toute circonstance. Ma première année sur Paris fut mouvementée, je me suis faite agresser, mes parents et mon frère Jonathan étaient en vacances en mer. Jo a téléphoné à Dan qui était sur Paris à ce moment là. Sans réfléchir il est venu à ma rescousse sans hésiter, sans aucun jugement, et ne m'a posé aucune question. Il était simplement à mes côtés.
Aujourd'hui je suis à nouveau dans la mélasse et pour la première fois c'est moi qui ose l'appeler. Cette relation entre nous se nomme ? Des amis ?
Mon téléphone vibre, notification de Dan, il est déjà sur place. Je lève la tête cherchant sa voiture, une BMW X3 flambant neuve attire mon attention. Ça ne peut être que lui. Je réunis mes affaires, laisse un pourboire pour le serveur, et me lève. Dan sort de son véhicule, j'évite de poser les yeux sur ce corps qui hante parfois mes fantasmes. Je ne peux m'empêcher de remarquer le teeshirt qui met en valeur ses muscles, le résultat de nombreuses heures passées à la salle, le jean qui tombe sur ses hanches et les lunettes de soleil qui cachent son regard fixé sur moi. Je déteste ce qu'il provoque sur moi. Habituellement il a un sourire en coin sur les lèvres prêt à me balancer ses petites phrases assassines que j'aime tant. Arrivée à son niveau, il ouvre le coffre.
- Passe moi tes valises, Me dit-il, pas un bonjour comme à son habitude qui est également devenue la mienne. Je ne sais pas pourquoi mais c'est ainsi entre nous.
Il récupère mon bagage et je le regarde agir.
- Tu as une sale tête. Ton dernier repas date du mois dernier ?
Je ne réponds pas. Je me détourne de lui pour m'asseoir côté passager. Je sais à quoi je ressemble, je ne veux pas débattre sur le sujet.
Il s'installe derrière le volant.
- Tu m'as précisé : pas ton frangin, pas tes parents. Donc ce sera chez moi c'est non négociable.
J'allais rétorquer mais ça ne sert à rien. Je préfère regarder le paysage défiler par la vitre de la voiture.
- Tu dois travailler cet été ?
- Non !
- Cool, tu bosses pour moi. Je galère pour trouver une fille au pair pour Chloé. Tu t'y colleras point final.
- Ok !
Pas l'intention de me rebeller, et encore moins de le titiller comme je l'aurai fait habituellement. Comme à son habitude Dan ne me demande rien. Nous faisons la route en silence, laissant la musique s'installer dans l'habitacle.
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Adoptons-nous
RomanceErika fuit Paris pour retourner dans sa ville natale, le seul soucis est qu'elle ne veut ni prévenir ses parents, ni son frère de son retour. Une seule personne pourrait l'aider, seulement Erika hésite à l'appeler... Osera t'elle ? Comment va-t-il...