Érika
- Pouvons-nous discuter ? me demande Jonathan.
J'ai peine à affronter mon frère face à face, pourtant il est ici pour m'aider. J'ai tellement honte de lui avouer à quel point je suis faible face à ce que j'ai vécu. Les larmes aux yeux, je craque. Je tente malgré tout de me contenir.
Jonathan me pousse vers la chambre, il connaît cette maison par cœur, vu le temps passé en compagnie de son ami.
J'ai conscience que je ne lui échapperai pas et qu'il ne me laissera tranquille qu'au moment où il saura tout. Contrairement à Dan, mon frère exige toujours de tout connaître. Je ne m'y suis pas préparée alors je fais exprès de traîner les pieds. Bien entendu mon frère n'est pas dupe, il me connaît par cœur.
- Ça suffit, il est temps de tout m'expliquer, rien ne sert de taire ce que l'on saura de toute manière. Il y a trop longtemps que tu joues la cachotière et je ne le supporte plus. Hors de question que tu t'enfermes dans tes difficultés. Ta famille est présente et à ta disposition pour aller mieux.
Il ouvre la porte de la chambre dans laquelle je dors depuis que je suis arrivée. Il avance vers la porte fenêtre, dos à moi, et ouvre les hostilités.
- Je t'écoute. Son ton est rassurant.
-Je m'assois en tailleur sur le lit, nerveuse je ne sais pas par où commencer. Je me ronge les ongles.- J'ai tout mon temps tu sais.
Cette dernière phrase ouvre les vannes sur les larmes que je retiens depuis bien trop longtemps. J'éclate en sanglots. Mon frère accourt vers moi pour me prendre dans les bras. Je relâche toute la pression.
- C'est bien, pleure. Je suis là pour toi, ne l'oublie jamais. Je ne vais pas te juger ou te faire des réflexions désobligeantes et les parents, pareils. Arrête de simuler celle qui est capable de tout supporter. Oui j'ai des problèmes avec ma santé mentale mais ça ne veut pas dire que tu te dois d'être forte en toute circonstance. Ne commets pas cette erreur là.
Je pleure à chaudes larmes dans les bras de mon frère pendant plus d'une heure. Je n'ai pas réussi à ouvrir la bouche une seule fois. Je trouve enfin le courage de m'exprimer.
- Tout a commencé lorsque j'ai réussi l'audition dans la compagnie.
Mon frère fronce les sourcils interpelé par mon "récit".- Attends deux secondes pourquoi ce silence ?
- Laisse moi tout te raconter avant de m'interrompre sinon je n'aurai plus le courage. Au début je ne me suis rendue compte de rien. C'est par la suite que j'ai compris que tout ce que je vivais depuis mon audition venait du chorégraphe et de ses sbires.Mon frère se tait mais son regard parle suffisamment. Je n'ai même pas commencé à me confier qu'il est déjà énervé. j'hésite et me lance enfin, malgré la honte que je ressens d'être aussi fragile. Qui mieux que Jonathan peut me comprendre ? Personne.
- Lorsque tu étais en croisière avec les parents, j'apprenais que j'étais acceptée dans cette super compagnie tant convoitée. Le soir même, j'ai voulu fêter cette nouvelle avec la troupe de danseurs. Sans réellement comprendre ce qui m'arrivait je ne me suis pas sentie bien alors que j'avais à peine touché à mon verre : migraine, nausée, tête qui tourne, je suis allée aux toilettes, et quelqu'un m'a agressée en volant mon portable. Ensuite les parents et toi êtes intervenus alors que vous étiez en pleine croisière.
- Je me souviens effectivement.- J'ai appris il y a seulement quelques mois que c'était sur ordre de mon connard de chorégraphe que j'ai été droguée à mon insu.
- Mais pourquoi ?
- Franchement je ne cherche pas à comprendre le pourquoi du comment. Tout ce que j'ai appris c'est que je n'étais pas la seule. Même Dan a enquêté de son côté, il a reçu des témoignages identiques aux miens. Je n'ai pas osé les lire par lâcheté.
- Je comprends.Bien entendu mon frère comprend, il a vécu pire que moi, ça l'a tellement détruit qu'il s'automutilait.
- Donc je suis rentrée dans la compagnie. Tout allait pour le mieux, au bout de quelques jours le chorégraphe me mettait toujours en avant vantant que j'étais son meilleur élément. Cela créait des tensions entre les danseurs et moi qui ont duré pendant des mois. Je me sentais seule mais je positivais. J'étais persuadée que tout ceci finirait par se calmer. Ensuite les spectacles ont commencé, on m'a piqué mon costume, mes chaussures, j'ai eu droit à des blagues puériles, c'était lourd mais j'arrivais encore à gérer. Il y a quelques mois, ce barge me hurlait dessus devant toute la troupe, me rabaissant, racontant que j'étais la pire danseuse qu'il n'ait jamais connue. Le bruit a couru que j'avais couché avec lui et d'autres mecs du staff pour assurer ma place, la dernière fois il m'a giflée en pleine répétition, c'est là que je suis partie pensant que je ne valais rien. J'ai fini par croire ce qu'il me disait, sans oublier les autres qui m'enfonçaient également. C'est comme ça que je me suis retrouvée avec mes valises à la gare. J'ai fini par appeler Dan qui est arrivé tout de suite me proposant de m'occuper de Chloé. Tu sais tout enfin presque. J'ai condensé l'histoire.- Tu supportes tout ceci depuis plus de deux ans ? Pourquoi ne m'en as-tu pas parlé ? Érika voyons. Je ne suis pas en sucre. D'accord j'ai des crises d'anxiété sévères et j'aimais me mutiler, mais c'est du passé. Je reste ton grand frère. J'ai besoin de savoir que tout va bien pour toi, plutôt que de m'inquiéter de tout ce que tu ne me dis pas ! Tu n'es pas seule bon sang.
Mon frère s'énerve. J'essaie de l'apaiser, mais rien n'y fait.
- Je ne suis pas en colère contre toi mini pouce. Je ne supporte pas que tu aies subi tout ceci en te taisant. J'en veux à ce type chorégraphe, je ne rêve que de m'occuper de lui.
J'aimerai rire de sa dernière déclaration mais je ne le ferai pas, je suis convaincue que ce qu'il dit n'est pas ironique. Il le pense réellement. Mon frère serait prêt à tomber sur mon ancien chorégraphe pour qu'il paye ce que j'ai subi.
Jonathan quitte la pièce sans ajouter un mot de plus.
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Adoptons-nous
RomanceErika fuit Paris pour retourner dans sa ville natale, le seul soucis est qu'elle ne veut ni prévenir ses parents, ni son frère de son retour. Une seule personne pourrait l'aider, seulement Erika hésite à l'appeler... Osera t'elle ? Comment va-t-il...