36 | les jours heureux

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Dan,

Érika rayonne d'un sourire épanoui, elle prouve que j'ai eu raison de la laisser vivre sa passion tandis que de mon côté j'élevais Chloé, nos chemins étaient destinés à se retrouver un jour ou l'autre je le savais en mon fort intérieur. Je râle sur ma mère et ses capacités à deviner clairement chacun de nous mais j'ai moi-même souvent cette faculté surtout envers ma famille et les gens que j'aime.

Je connais Érika depuis qu'elle a quatre ans, déjà petite elle attirait mon attention et ça fonctionnait. C'était encore un bébé, je répétais sans cesse à Jonathan qu'il avait de la chance d'avoir une petite sœur alors que j'étais fils unique. Lui râlait et m'expliquait qu'Erika était une petite chieuse, ce n'était pas complètement faux et j'adorai l'embêter en lui cachant ses jouets.

J'ai rencontré Jonathan l'année de mes dix ans, il en avait quatorze. Nos établissements scolaires étaient dans le même quartier, nous prenions le même bus pour rentrer à nos domiciles. Un jour, Jonathan fut bousculé par des gamins de l'école, il vivait replié sur lui même avec quelques tocs, je le jugeais étrange, mais de là à le laisser être tabassé sans que je réagisse était impossible. Je m'en suis mêlé alors que j'étais plus jeune, résultat je me suis fait ainsi que Jonathan massacrer la tronche, il a appelé son père qui est arrivé en voiture de police, il nous a emmenés à l'hôpital pour vérifier que nous n'avions rien de grave, a pris nos dépositions et a porté plainte contre les gamins. Etienne est devenu mon héros ce jour là, moi qui n'ai jamais connu mon père, Etienne était le papa parfait, celui que chacun aurait souhaité. Ce jour là j'étais invité chez eux et j'ai rencontré une petite furie qui courait partout en riant : Érika.

Je ne suis pas tombé amoureux d'elle au premier regard j'étais bien trop grand. Par contre je la trouvais rigolote et gentille. Elle s'est arrêtée devant moi, m'a regardé de haut en bas et m'a dit « T'es qui toi ? ».

Je ne sais pourquoi je me remémore à nouveau ce moment, mais c'était notre première rencontre.

Érika est entourée de ses danseurs je ne peux m'empêcher de poser mes yeux sur elle. J'ai parfois du mal à réaliser que nous sommes bel et bien en couple. Je me surprends à me pincer lorsque je suis trop heureux.

Magali, à mes côtés renifle depuis le début du spectacle, elle n'arrête pas de pleurer, c'est attendrissant. Chloé, quant à elle, est aux anges d'être auprès d'Erika parmi les artistes qu'elle admire chaque mercredi et week-end quand elle se rend au studio pour « danser comme Érika ». La danse est devenue leur passion commune, elles se ressemblent tellement que l'on pourrait croire qu'elles sont mère et fille sur un plan biologique. Je ne cache pas que j'aimerai avoir un second enfant avec celle que j'aime depuis presque toujours. Ce sujet n'a jamais été abordé entre nous. Je me souviens qu'elle ne cessait de me répéter qu'elle ne voudrait jamais d'enfant. A-t-elle changé d'avis ou non ? je ne sais pas.

Je cesse de me perdre dans mes pensées, je m'approche des deux plus belles femmes sur cette scène, je serre Érika dans mes bras, je ne peux rester trop longtemps loin d'elle, je n'ai qu'une envie l'embrasser et je ne m'en prive pas. Chloé nous observe avec des yeux écarquillés, elle réagit toujours ainsi, pour terminer par : « wou les amoureux », ce qui nous fait toujours rire.

Chloé fut si heureuse d'apprendre qu'Erika resterait avec nous mais ça ne l'a pas empêché de me rappeler sans cesse l'histoire de cette femme dans ma chambre. Chloé est devenue la mémoire de ce jour où tout a basculé entre Erika et moi, sans mon erreur, nous ne serions peut-être pas encore ensemble. Alors je la remercie silencieusement de me rappeler à quel point j'ai failli tout gâcher. Je me suis également rendu compte que ma fille avait été secouée par cet épisode.

Actuellement je constate que Chloé s'épanouit un peu plus chaque jour au côté d'Erika. Elle ne m'a plus jamais invoqué sa mère biologique et son regard triste s'est dissipé peu à peu. Pour elle,  Érika est sa mère. Elle l'imite dans tout ce qu'elle entreprend sans parler de leur complicité, j'en serai presque jaloux. La présence d'Erika à nos côtés me démontre à quel point ma fille avait besoin d'un repère féminin, ce dont je ne m'étais pas rendu compte, et je me questionne sur le fait que personne n'a pu jouer le rôle de père de substitution en ce qui me concerne.

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