28 | Un pas à la fois

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Dan

Une fois rentré à la maison, je couche Chloé, tombée de fatigue dans la voiture. Lorsque j'arrive au niveau du salon, Érika tente de se faufiler dans sa chambre, je l'en empêche, hors de question qu'elle s'échappe à chaque occasion.

Découvrir ses yeux gonflés au retour de la plage m'a soûlé toute la soirée. Magalie et Etienne voulaient que nous restions manger, j'ai accepté à contre cœur. J'étais pressé de rentrer pour approfondir la situation, je suis au bout de ma patience.

- Viens, nous devons discuter.
- Je saisis doucement le bras d'Erika, la tire derrière moi, elle n'y met aucune résistance et me suit sans dire un mot.

Je lui indique de poser ses jolies petites fesses sur le canapé, je m'installe à ses côtés , récupère ses pieds pour les poser sur mes jambes. Érika râle mollement sans retirer ses pieds nus de mon corps. Je commence doucement à lui masser les orteils et la voûte plantaire. J'ai toujours rêvé de m'occuper d'elle de cette manière. Il y a quelques temps je n'aurai jamais osé mais ma conversation avec Jonathan m'a interpellé. Il a raison ce n'est pas le moment d'abandonner ce dont je rêve.

- Je veux une explication. Commençai-je.
- Quoi ? Réplique t'elle étonnée.
- Pourquoi as-tu pleuré ?
- De quoi parles-tu ?
Je râle un peu.

- C'est bon Érika, arrête ! Dis moi pourquoi tu pleurais tout à l'heure. En réalité je veux comprendre. Je me suis retenu toute la soirée de te poser la question.
- Ce n'est rien ! Bafouille t'elle.
- Non ce n'est pas rien. Je la fixe de mon regard autoritaire, celui qu'elle n'apprécie pas. Je m'en fous j'exige une réponse.
Érika expire lourdement.

- J'ai reçu un sms de Julien, qui me disait que mon père n'aura aucun pouvoir sur lui et qu'il peut briser ma carrière.
- Je vois.

Ce salopard doit avoir eut vent que nous recherchons bon nombre de danseurs qu'il a harcelés. Il doit paniquer nous en sommes à plus d'une vingtaine de victimes qui ont quasiment toutes arrêté leur carrière. Nous sommes tombés sur des faits très graves comme attouchements, violences physiques et chantage rien que ça... Bref ce type joue son ultime atout, faire pression sur Érika psychologiquement.

- Il va t'en envoyer d'autres. Pourquoi ne changes-tu pas ton numéro de portable pour être tranquille ?
Érika bougonne.

- Je ne veux pas tout changer à cause de lui. Je me remets déjà trop en question alors que je ne le faisais jamais auparavant. Je lui démontre qu'il ne m'impressionne pas et ne m'atteint pas. Même si c'est faux. Je refuse de lui donner satisfaction.

L'air déterminé d'Erika me plaît. Elle est prête à se battre quoi qu'il arrive.

- Je comprends. La rassurai-je.
- Je me suis sentie tellement merdique et petite à force, que je me suis posée mille questions sur ma passion, mes choix et sur ce que je sacrifiais. En même temps Jonathan avançait dans la vie avec Amélia. Je me suis mise à imaginer un autre avenir. Jusqu'à présent je n'envisageais pas d'être maman, mais après la pression de ce gros con, le besoin de compter pour quelqu'un que j'aime et avec qui passer ma vie et fonder une famille a germé petit à petit en moi. J'envie Jo et Amélia, aujourd'hui, je ne sais toujours pas où je vais mais je souhaite plus, je veux tout, en fait.

Nos regards se fixent l'un à l'autre, je ne respire plus, mon cœur est sur le point de lâcher.

- Je tiens autant à toi que tu tiens à moi Dan. Elle me parle avec une douceur encore jamais ressentie, à part envers Chloé. J'adore ta fille, elle est déjà un peu la mienne, mais si on m'appelle pour me proposer ce dont je rêve depuis toujours dans le métier, je ne pourrai pas me couper en deux. Se mettre ensemble c'est impliquer Chloé, si ça ne colle pas entre nous, je vous perds tous les deux. Fuir était plus simple parce que je vous gardais d'une certaine manière. C'est pour ces raisons que je suis  perdue, pas pour ce je ressens pour toi Dan.

Je ne sais quoi répondre, comment réagir. Je pense même être en plein rêve. J'ai du mal à croire que tout ça qu'Erika me révèle est bien réel.

- Ohoh Dan tu m'écoutes ? J'espère parce que je te jure que je ne me répéterai pas. Érika souhaite récupérer ses jambes mais je les retiens, hors de question qu'elle m'échappe ainsi. Pas cette fois.
- Non non non, tu ne vas pas une fois de plus t'enfuir. Ça suffit je préfère que l'on s'affronte plutôt que de me torturer l'esprit en me demandant si j'interprète mal ton attitude et tes regards. Parfois je me demande si je ne suis pas dingue.
Érika me lance un sourire espiègle.

- Bien entendu que tu es dingue. Pourquoi me laisses-tu agir comme je veux ?
- Pour ne pas te perdre définitivement.
Un nouveau silence entre nous.

- Si je t'avais demandé de nous choisir Chloé et moi, nous aurions mal fini et on le sait tous les deux.
- Effectivement.
Érika détourne le regard un peu gêné.

- Qu'est ce que tu n'oses pas ajouter ?
Elle fixe le mur devant elle, je continue à lui masser les pieds pour la détendre c'est ce que je pratique sur Chloé depuis qu'elle est toute petite quand elle n'est pas au meilleur de sa forme ou quand elle me parle de sa maman.

- Je n'étais pas à la hauteur pour t'aider à élever Chloé et je m'en veux.
- Pourquoi tu t'en veux. Ce n'est pas ta fille biologique, tu ne l'as pas abandonnée.
Des larmes perlent autour de ses yeux.

- Non ! Mais je me sens coupable.

- Stop ! Ça suffit bébé. Tu n'as pas à supporter cette culpabilité. Je n'étais pas non plus prêt à démarrer une relation en m'occupant de Chloé pour être franc. Cette période n'a pas été évidente. Je ne pense pas que nous aurions eu notre chance, tu n'avais que dix-neuf ans, nous avons sept ans d'écart, nous n'en étions pas au même stade dans nos vies.
- Penses-tu qu'en ce moment nous le sommes ?
- Non ! Pas encore.

Nous nous regardons l'un, l'autre et nous savons qu'il y a un « nous », mais qu'il est encore trop tôt. Je ne veux pas d'un lien fragile, je veux qu'Erika soit pleinement en accord avec elle-même pour ne rien regretter. Je ne veux pas qu'elle me déteste pour un choix précipité. Je meurs d'envie de l'embrasser et de la serrer dans mes bras mais si je passe le cap, je ne pourrai plus jamais supporter qu'elle parte. Après Paris j'ai mis des mois à m'en remettre, c'est ma mère qui m'a secoué pour que je fixe la priorité sur Chloé et que je reprenne les rennes de ma vie. Hors de question que je plonge à nouveau.

- Qu'as-tu ressenti en reprenant les cours ?
Érika me sourit doucement.

- J'adore, je ne m'étais pas rendu compte à quel point enseigner la danse me manquait. Ninon me motive à monter ma compagnie.
- Tu en penses quoi ?
Je retiens mon souffle à ce moment là, parce que sa réponse est capitale pour diverses raisons.

- Ça me semble compliqué à gérer, principalement le côté administratif, je veux dire. J'ai déjà des difficultés à gérer mon propre budget alors une compagnie et tout le tralala, me freine.
- Et si tu avais quelqu'un qui te soulage de toute cette partie là. Tu y penserais.
Elle réfléchit.

- Peut-être mais je dois avoir pleinement confiance et en ce moment je n'ai plus trop confiance en qui que ce soit.
- As-tu confiance aux gens  qui t'entourent dans ton cercle fermé ?
- Oui bien sûr.

Je ne lui pose aucune autre question, Erika réfléchit. J'espère du plus profond de mon cœur que son mental cheminera positivement vers une installation chez nous.

Adoptons-nousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant