Adoptons-nous

18 | Question or not question

Dan,

Une fois de plus, j'ai résisté à la tentation même si c'est de plus en plus difficile. Érika s'est enfin endormie, elle est paisible. Je relâche la pression, en fait, je meurs d'envie de sauter sur Érika, seulement si j'agis, elle s'enfuira de la même manière qu'à Paris, hors de question qu'elle m'échappe de nouveau. Depuis qu'Érika a mis un pied à la maison, je ne veux pas qu'elle parte et je ne suis pas le seul, ma fille également. Tel père, telle fille.

Je me demande si c'était une bonne idée de l'inviter, elle était dans l'urgence mais je n'ai pas réfléchi à l'impact que ce séjour aurait sur mes sentiments et ceux de Chloé.

Je n'arrive pas à fermer l'œil de la nuit. Je suis complètement perdu. Je rêve d'enfermer Érika à tout jamais à la maison mais c'est impossible. Alors comment agir ? Lui imposer une vie qu'elle refuse avec la charge d'une enfant ou la laisser s'échapper une fois de plus en espérant qu'elle revienne vers moi et Chloé ? Je suis lâche, peut-être que ne rien imposer à Érika est une fuite ou de l'auto-sabotage, qui sait ?

Depuis quand suis-je transformé en gourou du développement personnel ? Je souffle légèrement, Érika bouge, je la serre davantage contre moi, je profite de son corps collé au mien. Je jouis au maximum de cet instant suspendu dans le temps. J'aimerais que ce soit ainsi chaque jour. Ai-je le droit d'y croire ?

Je scrolle mes réseaux sociaux pour m'occuper. J'y trouve une publication de mon ancien associé qui se plaint d'avoir été arnaqué. Je ne sais pas si je dois en rire ou en pleurer. La bonne nouvelle est que personne n'était au courant que j'étais son associé, quel connard celui-là ! Christophe m'a ôté une sacrée épine du pied. Je vais enfin pouvoir à nouveau me projeter dans l'avenir de ma société et continuer à offrir une belle vie à Chloé. Depuis quelques jours, j'ai une idée d'investissement, ça va être le bon moment. J'ai tellement hâte d'y être. Peut-être est-ce le coup de pouce que j'attends depuis longtemps.

Érika remue de plus en plus, j'ai l'impression qu'elle est en plein cauchemar. Je dessine des arabesques sur son épaule pour l'apaiser, Ça fonctionne.

Il est à peine six heures du matin, quand je reçois un message de Jonathan. Mon regard fixe l'écran et je lis qu'il s'inquiète pour Érika. N'ayant pas eu de ses nouvelles depuis plusieurs jours, il s'est renseigné auprès de ses amis et a appris qu'elle n'était plus sur Paris. « Merde ».

Son message de fin est simple « Sais-tu où est ma petite sœur, j'ai beau réfléchir tu es le seul vers qui elle se tournerait en toute confiance »

Il est certain que ça va chauffer pour mon matricule. Je réfléchis rapidement avant qu'il se pointe. Connaissant mon meilleur pote et ses crises d'anxiété, il ne pourra pas continuer sa journée normalement sans obtenir de réponse.

Je prends mon courage à deux mains. Je m'éloigne avec difficulté d'Érika et file dans mon bureau rappeller mon ami. Bien entendu il décroche immédiatement.

- Si tu m'appelles aussi vite, c'est que tu sais où se trouve ma sœur.
- Peux-tu te calmer s'il te plaît. Elle va bien. Alors zen. Laisse-moi t'expliquer.
- Oh mais je n'attends que ça. Depuis quand est-elle chez toi ?

Je ne réponds pas immédiatement, mais mon pote réalise soudain.

- La fille au pair que tu as trouvée c'est Érika. C'est pour cette raison que tu ne m'en as pas dit plus. Enfoiré.

Je perds patience.

- C'est bon tu as terminé ta crise. D'une, ta sœur est majeure, de deux, elle réside chez moi elle ne risque rien, et de trois, si elle s'est réfugiée ici sans le dire à personne c'est qu'elle traverse un moment difficile.

- Et ? Tu ne m'as rien dit. Pourquoi ?
- Pourquoi ? Tu me poses réellement cette question. Quand ta sœur me demande de garder le secret je la ferme.
- Forcément c'est Érika, l'amour de ta vie. Dit-il avec rancœur. Qu'attends-tu pour la garder à tes côtés ?

Je souffle en me passant la main sur le visage.

- Tu te calme là ? Ou on continue à se prendre la tête, ta sœur n'est pas encore prête à parler alors laisse-lui le temps dont elle a besoin. Je découvre à peine ce qui lui est arrivé et je ne la trahirai pas. Tu devrais être rassuré qu'elle ne soit pas seule.

J'entends derrière Jonathan, sa femme.

- Arrête de prendre la tête de Dan.
- Pourquoi tu étais au courant ? Demande mon ami à sa femme.

- Oui ! Mon père me l'a dit.
- Quoi ?

J'ai envie de rire mais je ne me le permets pas. Jonathan revient de loin, ce type est tellement anxieux qu'il n'arrivait plus à sortir de chez lui avant de rencontrer sa femme.

J'assiste à leur minuscule dispute qui cesse rapidement. Amélia apaise son mari. Cette femme est une magicienne, elle a changé la vie de mon pote. Est-ce qu'Érika transformerait ma vie à ce point ? Je me rends compte que je m'égare lorsque la porte de mon bureau s'ouvre sur une Érika décoiffée, en tenue légère, les yeux encore ensommeillés, elle est sublime. J'ai des difficultés à déglutir mais la voix de Jonathan me ramène à la réalité.

- Bon ! J'abandonne. Prends soin d'elle mais pas trop quand même. Dis-lui que je suis là pour elle. À quoi je sers sinon.... Oui Amélia je vais me recoucher. Râle-t-il. En me raccrochant au nez.

Je souris en fixant Érika.

- Ils vont bien ensemble ces deux-là.
- Jo est au courant maintenant. Bientôt ce sera au tour de mes parents, je dois leur rendre visite.