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Point de vue de Jordan :

Soit le premier ministre est un acteur très talentueux, soit il ne se rappelle de rien, ce qui me rassure quelque part. Nous étions tous les deux dans une position de vulnérabilité assez compromettante, je préfère que cela reste entre nous, ou juste entre moi apparemment.

Depuis le début du repas, je garde un œil attentif sur Gabriel, m'assurant qu'il va bien.

Je sens sa jambe qui commence à trembler sous la table, et j'observe sa poitrine qui se soulève bien trop rapidement. Il semble repartir en crise d'angoisse, je m'apprête à poser ma main sur sa jambe, en signe de soutien lorsqu'il se lève pour aller aux toilettes.

J'attends 5 secondes, et je me lève également, je ne prends même pas la peine de chercher une excuse et je le suis aux toilettes. J'ai l'impression de devenir fou, mon cœur commence à se tordre rien qu'en pensant à la détresse dans laquelle il doit être.

Je pousse la porte sur un Gabriel avachi, tentant tant bien que mal de contrôler sa respiration et de ravaler ses larmes.

Il lève la tête et me hurle dessus :

-"c'était vous n'est-ce-pas ?? vous n'auriez pas pu me le dire ?"

Je ne comprends pas immédiatement de quoi il parle, puis mon cerveau fait les liens, il a dû se souvenir.

Je ne réponds pas tout de suite, désemparé.

-"Alors ? vous ne parlez plus ? répondez moi, c'était-vous ??"

Ma respiration s'accélère, mes pensées s'emmêlent, et je balbutie une réponse presque incompréhensible.

-"ou...oui, c'était moi"

Les larmes perlent silencieusement sur son visage, je tends la main presque par réflexe afin d'effacer ses larmes comme hier, il me repousse violemment, et s'écarte de moi.

Ma poitrine me fait mal, je ne comprends pas ce qu'il m'arrive.

-"Pourquoi vous ne m'avez rien dit ?" me hurle-t-il dessus.

-"Quand j'ai compris que vous ne vous en souveniez pas, je me suis dit que c'était mieux comme ça, ça nous évitait une situation embarrassante à tous les deux."

-"Vous êtes tellement mesquin, que vous vouliez surtout utiliser cela contre moi, pas vrai ?" me crache-t-il.

Wow c'est comme s' il venait de m'assener un coup dans le cœur.

-"C'est vraiment ce que vous pensez de moi ? Vous savez je ne suis pas un monstre, je reste un humain capable de gentillesse, j'ai vu un homme en détresse devant moi, et je voulais juste vous aider. Je suis resté près de vous presque 1h30, sur le sol froid de cette loge le temps que vous vous calmiez. Mais ça ne compte pas je suppose, après tout je suis tellement mesquin."

Je claque la porte des toilettes, et m'enfuis du repas, sans aucune explication.

Je ne me reconnais plus, comment ses paroles m'ont-elles atteint à ce point ? C'est comme s' il me rendait vulnérable, et je déteste ça, je déteste la douleur qui s'est répandue en moi à cause de sa remarque.

Je me ramollis, et il est hors de question que cela se reproduise, j'ai eu un moment de faiblesse, et ce sera le dernier.

Point de vue de Gabriel :

Je me sens tellement humilié, d'abord il a fallu que je me trompe de loge, et là en l'espace de deux jours seulement je me suis effondré tel un fragile devant mon adversaire.

Mais le pire dans tout ça, ce pourquoi je m'en veux plus que tout est le fait que je me suis surpris à aimer ce contact physique et la chaleur réconfortante qu'il me procurait. Je me suis rappelé d'absolument tout, de comment ses doigts jouaient avec mes cheveux, de la manière dont il prononçait mon prénom de sa voix suave, de ses yeux perçants, ancrés dans les miens, comme si ils pouvaient lire à travers moi mais surtout du sentiment de sécurité que j'ai ressenti.

Je ne me suis jamais senti autant en sécurité, protégé que dans les bras de mon adversaire, de celui que je déteste tant, ironique non ? 

Je m'en veux d'être aussi faible, d'être aussi ridicule, si bien que je transporte cette haine de moi-même sur celui qui m'a sauvé hier, et qui est le seul à avoir remarqué mon état aujourd'hui. 

-"Vous êtes tellement mesquin, que vous vouliez surtout utiliser cela contre moi, pas vrai ?" , à peine les mots sortis je souhaite déjà les ravaler.

J'observe mon adversaire qui met du temps à répondre, et sa réponse me glace le sang. Il a l'air sincèrement blessé par ma remarque, si bien qu'il s'enfuit avant même que je n'ai le temps de réagir ou de m'excuser.

« on ne blesse que ceux qu'on aime »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant