[Billie Eilish]
Peter
Ça me gratte.
Ça me démange.
Ça me brûle.
La fourchette insérée entre ma cheville droite et le bracelet entaille ma peau. La douleur, brute et sauvage, apaise la lave et adoucit la torture. Au moins un temps. Un tout petit temps...
L'écran de mon ordinateur s'allume. Je l'ignore. J'ai reconnu le ping familier d'un mail entrant. J'hésite entre un message d'insultes de la part de mes anciens collaborateurs et quelques lignes assassines rédigées par de vieilles connaissances ravies d'assister à ma chute.
Je m'en fous. Ça ne durera pas. Comme Timothy est mort, Peter mourra aussi. Bientôt. Très bientôt.
Sentant la démangeaison revenir, je dégaine mon smartphone pour brouiller mes sens. Ma mère m'a appelée. Elle m'aime, elle. Elle fera tout pour me protéger et papa lui cèdera. Il donnera des sous, il paiera des gens et je disparaitrai. Puis je recommencerai. Je l'aurai.
J'aurai ce connard qui a baisé ma mère et lui a fait un bâtard sans en assumer les conséquences. Putain de Charles Klein !
Peu de temps après la mort d'Alice, alors que nous préparions mon changement d'identité, elle m'a tout avoué. J'ignore pourquoi, elle pensait que ce secret dissimulé durant des années m'avait transformé en petit garçon violent. Idiote.
Au début, je l'admets, je lui en ai voulu à elle. Puis, j'ai compris. J'ai compris que cet avocat de merde, à peine connu à ce moment-là, avait grassement profité de ma mère. De ce que j'ai pigé, il l'a rencontrée par hasard, grâce à un client. Elle était encore secrétaire. Elle n'a pas pu résister à ce salaud et ils ont conçu Louisa.
Je me souviens à peine d'elle. J'avais environ trois ans quand elle est décédée, à cinq semaines de vie, d'un souffle au cœur non détecté. Maman ne s'en est jamais vraiment remise et je devine d'autant plus pourquoi désormais. Elle aurait tout quitté pour Charles Klein. Elle ne me l'a pas confirmé, mais je l'ai perçu dans son regard. Elle l'aime toujours.
Ce jour-là, je me suis juré de l'anéantir. De baiser sa femme, de briser sa carrière, d'anéantir sa fille, celle qui est née un mois plus tard à peine que ma petite sœur.
J'avais presque réussi. Carole me suçait régulièrement la bite, Anna n'était plus que l'ombre d'elle-même et le cabinet de Charles sur le point de m'appartenir. Puis Simon est apparu, et celle que je pensais détruite s'est redressée.
Putain de passé de merde qui m'est revenu dans la gueule comme un boomerang.
Pourtant, j'étais parvenu à déjouer tous les obstacles. J'avais quitté Colin, qui m'offrait son cul et bossait à ma place à la fac, afin d'assouvir ma vengeance. J'avais discrédité Suri, une vielle amie d'Alice, qui risquait de me reconnaître. J'avais réussi à me débarrasser d'Anna, même si son départ précipité ne collait pas au plan d'origine. J'étais également parvenu à briguer un poste dans le meilleur cabinet d'avocats de Paris. Couler l'entreprise de Charles avant de filer à la capitale constituait l'ultime étape de mon projet. Un projet merveilleux, sublime, parfait. Enfin, avant que ce psy de merde ne s'en mêle.
Malgré des mois passés à préparer ma défense en cas d'attaque, malgré des heures à chercher comment les détruire sans déterrer le passé, j'ai échoué.
Le pire ? Ça m'excite presque autant de perdre que de gagner.
Ironiquement, ma chute est venue de Carole. Je parie qu'elle a découvert le petit secret de son mari, et que c'est ce qui l'a décidé à témoigner à visage découvert. La dernière fois que je l'ai croisée, elle fricotait dans un bar avec Nicolas, le bras droit de Charles. Ils étaient déjà associés à l'époque où Klein a abandonné ma mère en cloque. Ce connard connaît donc la vérité, lui aussi, et m'a d'ailleurs bien aidé à piéger son confrère. L'attrait du pouvoir et l'obsession de la vengeance se complètent à merveille dès qu'il s'agit de briser des gens.
M'est avis qu'il baise maintenant mon ancienne maîtresse et qu'à eux deux, ils mettront Charles sur la paille. Tant mieux. Cela me rendra la tâche facile, à ma sortie. Songeur, je caresse du doigt l'écran de mon téléphone. Ce dernier affiche une photo d'Anna.
Ma douce Anna.
Mes phalanges glissent vers l'application connectée à ma caméra. Simon a fait changer l'interphone depuis belle lurette, mais j'espère toujours voir sa rue apparaître. Sa belle petite gueule également. J'appuie. L'écran devient noir et, comme à chaque tentative échouée, j'étouffe un hurlement de frustration contre cette salope de Léna. Elle seule a pu lui révéler mon petit secret. Elle seule.
Je n'ai pas revu l'avocate depuis le jour du procès. Ce n'est pas grave. Une fois libre, je m'occuperai d'elle. Mon sexe gonfle brusquement quand je songe à ce qui attend la belle Latine. Sans réfléchir, me laissant porter par l'obsession et la luxure, je sors ma queue et l'empoigne de la main droite. Le plaisir monte tandis que mes doigts effectuent des va-et-vient maîtrisés et efficaces. Je soupire, je grogne, je râle avant de me vider en saccades sur mon ventre nu.
Je ne t'oublie pas, mon amour.
Sur mon écran, un nouveau SMS s'affiche. Mon psychiatre.
Ma peine comprend quelques obligations en plus de l'emprisonnement. L'une d'elle consiste à me faire suivre par un spécialiste de la santé mentale. Par bonheur, on m'a laissé choisir mon praticien. Je n'ai pas hésité une seule seconde.
Je consulte immédiatement le message, qui m'annonce la date de notre prochaine séance en visio. Envahi d'une joie sourde, je rédige une réponse succincte.
« C'est noté. »
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A cœur perdu
RomanceATTENTION SPOILERS si vous n'avez pas lu le tome 1 Ravagé par le départ soudain et inexpliqué de la femme sa vie, Simon se remet difficilement. Affronter la perte de la belle Anna sans aucune explication à laquelle se raccrocher lui semble une monta...