I don't wanna miss a thing

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[Aerosmith]

Simon

Je marche vite. Très vite. Trop vite.

Anna m'attend dans un bar au coin de la rue et je suis aussi fébrile que pressé de la retrouver. J'ai à peine dormi cette nuit, perclus d'angoisses, mes pensées entièrement rivées sur elle et les conditions de son retour à Paris. Je ne comprends toujours pas pourquoi elle a choisi de loger chez Julia ni pourquoi nous avons dû patienter près de vingt-quatre heures pour nous revoir, dans un bistrot qui plus est. Lors de nos échanges par SMS, elle a éludé le sujet, refusant également de me parler de ses entretiens avec son avocate. Tout cela ne me dit rien qui vaille.

Je l'aperçois au moment où je tourne au coin de la rue. Assise en terrasse devant ce qui ressemble à un coca-cola, les jambes et les bras croisés, elle guette les passants, pensive. Mon regard glisse de son petit haut fleuri vers la personne située à sa droite. Cette dernière, une espèce de sosie de l'actrice Sandrine Kiberlain, tient contre son tailleur un dossier bleu.

À n'en pas douter, il s'agit de l'avocate de ma douce. Mes sourcils se froncent, mes mains tremblent. Pourquoi Anna l'a-t-elle conviée ? Ça pue, bordel !

Je déglutis avec douleur. Ma gorge asséchée ressemble à un brasier inextinguible, pourtant, je continue d'avancer, pressé d'obtenir les réponses à mes interrogations. Enfin, les yeux de ma belle se posent sur moi. Un sourire éclaire son visage, calmant instantanément mes nerfs à vif. Elle semble heureuse de me voir. Très heureuse. Dans ses prunelles, l'amour resplendit, bien que légèrement entaché par autre chose, un sentiment que je reconnais tout de suite pour l'avoir croisé dans le miroir ce matin.

La peur.

Une fois à leur hauteur, je dépose un rapide baiser sur les lèvres d'Anna avant de saluer son invitée d'une franche poignée de main.

— Maître Faustine Jourda, se présente-t-elle pendant que je m'assois. Enchantée.

Dans le mille !

— Simon Mercier, enchanté également

De plus en plus nerveux, je demande une bière au serveur qui passe avant de reporter mon attention sur les deux femmes assises face à moi. Aucune d'entre elles ne pipe mot. Faustine Jourda semble attendre que sa cliente se décide. Anna, quant à elle, fixe son verre de coca, s'enfonçant dans un mutisme qui ne m'aide pas à conserver mon calme. C'est quoi ce foutoir, putain ?

Ma commande déposée, je choisis de rompre l'atmosphère plus que pesante qui nous enveloppe.

— Je suppose qu'on est là pour parler du procès à venir ?

— Oui.

La voix rauque d'Anna perce mes tympans. Exit l'amour, ses yeux ne reflètent désormais plus qu'une angoisse profonde. Inquiet, je continue de la fixer dans l'attente d'une suite qui ne vient pas.

— Ma cliente, intervient finalement Justine Jourda, a souhaité que je l'accompagne afin de vous expliquer le plus précisément possible ce qui va se passer durant les prochaines semaines, ainsi que pour répondre à vos questions si vous en avez.

Je réprime une grimace irritée. Ce discours formel n'invite ni à la confiance ni à la détente. J'ai la sensation qu'Anna a convoqué un tiers pour se protéger de moi. Je déteste ça.

— Je vous écoute.

Ma voix, terne et morne, traduit le dépit qui m'anime. Face à moi, la journaliste tressaille, signe qu'elle a perçu mon malaise. Pour autant, elle ne dit rien. Ne prononce pas un seul mot. N'articule pas le moindre son.

A cœur perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant