[Fleetwood Mac]
Anna
Je rentre sans vraiment faire attention à la route, plongée dans mes pensées et terrifiée à l'idée de la confrontation qui m'attend avec Simon. J'ai beau réfléchir à la meilleure façon de lui présenter les choses, je ne trouve rien de satisfaisant. Rien qui m'assure que mon psy ne pétera pas un plomb en entendant ces révélations dont je ne suis moi-même pas encore remise.
Les photos de Timothy, ou Peter, je ne sais même plus comment l'appeler, et d'Alice me hantent. Elle était adorable, il était séduisant. Elle est morte, il l'a tué. Ces faits implacables menacent de détruire tout ce que Simon et moi tentons péniblement de bâtir. Combien d'heures, de jours, de semaines avons-nous passés à lutter contre nos vieilles douleurs ? À nous désirer et à nous affronter ? À nous fuir pour mieux nous retrouver ?
Je serre le volant jusqu'à ce que les jointures de mes doigts blanchissent. Je ne veux pas risquer de perdre ce que nous avons. J'ai beaucoup trop souffert pour ça.
La pochette rouge cartonnée trône fièrement sur le siège passager. Je ne parviens même pas à réfléchir à ce que ces nouvelles informations m'ouvrent comme possibilités tant mon esprit ne cesse de revenir à Simon. Et s'il s'effondrait ? Et si ça ravivait trop de souvenirs, trop de rancœur, trop de chagrin ? Et s'il voulait fuir la souffrance que ces papiers vont irrémédiablement causer ? Me fuir, moi ?
Au moment où je franchis l'entrée du village, j'ignore toujours comment lui présenter ce foutu bordel. C'est alors que je l'aperçois, au milieu du marché de nocturne, en train de flâner près des huitres. Mon cœur rate un battement et mes lèvres s'étirent doucement. Il est beau, si beau, trop beau. Ma poitrine se fendille tandis que je l'observe échanger avec le vendeur. Arrêtée à un feu rouge, j'ai le temps de le voir repartir vers la maison à pied, le sachet garni de fruits de mer pour le dîner. Je ne peux pas gâcher ça. Je ne peux pas ôter ce sourire paisible de ses lèvres, annihiler sa bonne humeur, anéantir notre relation encore fragile. Je ne peux pas, putain !
Tout en redémarrant, je prends une décision. Une décision dangereuse, mais nécessaire. Je vais taire mon secret. Pas éternellement, juste ce soir.
Ce soir, je vais manger des huitres et faire l'amour.
Ce soir, je profiterai de « nous » en essayant de ne pas songer à la fin de notre bulle de douceur.
Demain est un autre jour. Demain, j'aviserai.
***
Simon me fixe, un fin sourire aux lèvres. Ses pupilles, après trois verres de vin, pétillent de malice. Assise face à lui, aussi rouge que la jupe que je porte, j'avale une nouvelle gorgée de Sauvignon. Nous venons de terminer nos huitres et je dois reconnaître que la légende dit vrai. Ces dernières présentent un fort pouvoir aphrodisiaque.
Les traits détendus de mon amant profitent de la lueur du coucher de soleil. Je le regarde et mes yeux s'embuent de larmes. Il m'émeut. J'ai envie de graver son portrait dans ma mémoire en prévision des heures sombres qui nous attendent. En prévision des tempêtes qui nous menacent. En prévision du chaos qui nous défie.
J'aime cet homme. Plus que tout, plus que moi. Mon instinct me crie que cette fois, nous ne serons pas assez solides pour braver l'océan déchaîné. Or, je ne peux me résoudre à l'idée de le perdre. C'est au-delà de mes forces.
— Tout va bien, Anna ?
Je secoue la tête avec affirmation.
— Tu es sûre ? insiste Simon. Tu as eu l'air ailleurs toute la soirée. Quelque chose s'est mal passé avec Marc ?
VOUS LISEZ
A cœur perdu
RomanceATTENTION SPOILERS si vous n'avez pas lu le tome 1 Ravagé par le départ soudain et inexpliqué de la femme sa vie, Simon se remet difficilement. Affronter la perte de la belle Anna sans aucune explication à laquelle se raccrocher lui semble une monta...