Nobody said it was easy

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[Coldplay]

Anna

Le fameux jeudi est arrivé bien vite. À moins de deux heures de ce foutu rendez-vous avec la privée, mon ventre joue les montagnes russes et je suis incapable d'avaler ne serait-ce qu'une goutte d'eau.

— Tu veux vraiment aller voir Marc aujourd'hui ? Tu es pâle comme la mort, Anna !

L'air inquiet de Simon n'arrange rien à mon état. Non contente de m'angoisser, je me débats maintenant avec la culpabilité que son regard plein de sollicitude génère en moi.

On s'était promis de ne plus jamais se mentir et je suis en train de piétiner cette promesse.

— Rien. Je vais juste avoir mes règles.

Simon hoche sa tête d'homme moderne concerné par les cycles menstruels de sa compagne. Pour ma défense, cet argument n'est pas tout à fait éloigné de la réalité.

— Tu veux que je passe chercher du Spasfon à la pharmacie ?

— Merci, ça va aller.

En réalité, rien n'est moins sûr. Tout dépendra de ce que cette femme m'apprendra.

— Je peux te conduire, au moins ? Je ferai un tour à la médiathèque du centre-ville en t'attendant. J'ai bientôt terminé mon polar.

Mon cœur rate un battement.

— Je préfère m'y rendre seule, m'empressé-je de rétorquer. Tu sais ce que c'est, la thérapie. J'ai besoin d'un temps avec moi-même avant de...tu vois, quoi.

Je n'ai aucune idée de ce que je raconte, mais ça produit l'effet escompté.

— Très bien, je n'insiste pas. Tu m'appelles si besoin, d'accord ?

J'acquiesce, puis l'embrasse avant de me diriger vers sa voiture. Au moment de démarrer, j'avise son regard préoccupé dans le rétro. Visiblement, mon minable jeu d'actrice ne l'a pas totalement convaincu. Forçant un sourire enthousiaste, je lui envoie un dernier baiser du bout des doigts et fonce vers Brest.

Vers des informations dont j'ignore la teneur.

***

Ma séance avec Marc terminée, je me rends aussitôt sur le port. Une fois au bar, je m'assieds en terrasse et commande une pinte de bière. J'aurais au moins besoin de ça pour affronter ce que la détective aura à m'annoncer. Nerveuse, je scrute la foule à sa recherche, avant de me souvenir que je n'ai pas la moindre idée d'à quoi elle ressemble. Bordel, comment vais-je la reconnaître ?

— Bonjour, madame Klein.

Je sursaute. À ma gauche, une grande femme noire me fixe avec détermination, et je devine tout de suite que ma quête à l'aveugle vient de prendre fin. Aussi belle que sophistiquée, Sonia Meunier reste toutefois vêtue de manière à se fondre dans le décor. Son jean et son top à fleurs lui donnent l'air d'une jeune étudiante tandis que ses cheveux ramenés en un élégant chignon rappellent son âge, plus proche de la quarantaine que de la vingtaine.

— Comment...

— Vous ai-je reconnu ? termine-t-elle, amusée. Allons, je suis détective privée. C'est mon boulot de savoir ce genre de choses.

Son ton grave et ses yeux pétillants lui confèrent une aura rassurante et, alors qu'elle me tend sa main, je sens dans sa poigne ferme que je peux lui faire confiance. Entièrement confiance.

— Vous voulez boire quelque chose ? lui proposé-je.

— La même chose que vous, m'indique-t-elle en s'asseyant face à moi.

A cœur perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant