Reviens-moi, tu partiras mieux comme ça

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[Tryo]

Simon

Nous marchons l'un à côté de l'autre, en silence, pendant un long moment. Aucun de nous ne semble pressé de mettre fin à cette quiétude qui nous entoure. Peut-être aussi qu'il y a tant à dire que nous ne savons pas par quoi commencer.

Anna observe avec une curiosité charmée le parc dans lequel nous déambulons. Elle s'attarde sur chaque arbre, chaque buisson, chaque patère de fleurs. Son ravissement m'amuse. Je reconnais qu'en arrivant dans cette clinique, je ne m'attendais pas à découvrir un tel écrin de verdure. Depuis bientôt deux semaines, je m'y rends chaque jour pour écrire, lire ou simplement méditer. À mon humble avis, ce havre de paix participe autant au rétablissement des résidents que les soins obligatoires proposés. Peut-être même plus.

Les chants des oiseaux rythment nos pas. Rendu nerveux pas la présence de ma journaliste à mes côtés, je me concentre sur la sérénité que je suis parvenue à trouver ces derniers jours. Ma thérapie intensive et mon traitement semblent agir. Anthony et moi avons abordé beaucoup d'éléments, décortiquant mes hallucinations et leurs origines probables. Ma relation avec Anna a été passée au crible, de même que celle que j'entretenais avec Alice. Ces séances se sont avérées particulièrement mouvementées et douloureuses, mais salvatrices. Mes angoisses se rationalisent et je commence à intégrer l'idée que les choses ne sont pas vouées inéluctablement à se répéter. Qu'il faut avant tout que je me concentre sur moi et sur mes tourments, car nul doute qu'il me reste un long chemin à parcourir.

Au bout de notre quatrième tour de parc, alors que ma nervosité s'amplifie, je décide de mettre un terme à ce silence devenu oppressant.

— Pourquoi revenir maintenant ? Qu'est-ce qui a changé ?

Tout en continuant de regarder le paysage, Anna inspire profondément avant de répondre :

— Lorsque je suis partie de l'hôpital, ce jour-là, c'était pas par manque d'amour, mais par saturation totale. J'avais besoin de temps de faire un peu le point sur ce que j'éprouvais et me retrouver avec moi-même. Je l'ai eu.

— Rien de plus ?

Anthony avait-il vu juste ? Il suffisait de patienter ?

Le visage d'Anna se pare d'un rictus doux.

— Ma dernière séance avec Marc a bien aidé, aussi. Elle m'a permis d'achever de clarifier mes pensées.

— Et ?

— Je t'aime, Simon. Peu importe ce que tu traverses, ce que tu es, ce que tu ressens.

Si j'éprouve un profond soulagement devant cette déclaration d'amour, un détail dans sa phrase me pince le cœur. « Peu importe ce que tu ressens ».

— Si tu fais référence à cette erreur de prénom...

— Je n'ai pas besoin que tu t'expliques, me coupe-t-elle. Je t'aime et je sais que toi aussi, tu m'aimes. Du mieux que tu peux. Cela me suffit.

Son ton implacable, presque froid, me retient d'insister.

— Par contre, embraie-t-elle nerveusement, je ne peux pas renoncer à la bataille judiciaire qui se prépare. C'est mon chemin, Simon. Qu'il te plaise ou non. Je ne te demande pas de me sauver, juste d'accepter. De comprendre et de...

— Te soutenir.

Le visage d'Anna se tourne brutalement vers moi. Son regard estomaqué me surprend. Visiblement, elle ne s'attendait pas à ce que je cède si vite.

— Moi aussi, j'ai avancé, la taquiné-je. J'ai quand même trois séances de thérapie par semaine, soit une de plus que toi !

Mon argument enfantin lui arrache ce rictus malicieux que j'aime tant.

A cœur perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant