[Coldplay]
Anna
Je regarde Simon sombrer dans un profond sommeil sous l'effet des calmants qui passent dans sa perfusion. Le cœur lourd, je caresse doucement sa main et tente de me focaliser sur le positif. Aujourd'hui, il m'a reconnue. J'ai beau me répéter qu'il s'agit d'une excellente nouvelle, que ses hallucinations s'atténuent et que la réalité commence à l'atteindre, ces phrases serinées en boucle sonnent faux. Pour autant, je m'efforce de m'y agripper désespérément.
Je n'aurais jamais imaginé que mes révélations produiraient un tel effet sur l'homme que j'aime. Le voir étendu, pâle et immobile, dans ce lit trop petit me donne le tournis. Je me remémore l'individu fort et protecteur qui m'a recueillie dans son cabinet, le psychologue avisé et compétent qui m'a écoutée déverser mes peurs et mes angoisses, l'amant attentif et sensuel qui a su me reconnecter à ma sexualité. J'ai du mal à croire que cet individu et celui qui gît inconscient sont la même personne.
Bouffée délirante aiguë. C'est le terme qu'a employé Anthony lorsqu'il est arrivé, deux jours après l'hospitalisation de Simon. Un terme barbare, ridicule et incompréhensible pour expliquer ses hallucinations répétées. Alice, il voit Alice. Et moi, parfois. De ce que nous avons appréhendé durant ses rares phases d'éveil, il revit une version de son passé entremêlée à son présent.
Je ne veux pas que tu meures.
Murmuré d'un ton si faible, si apeuré, si enfantin, sa supplique ancrée dans mon esprit me broie l'estomac, me serre la gorge et me brise le cœur. Épuisée, j'entrelace mes doigts aux siens et m'abandonnent à mes pensées les plus sombres, faites de regrets et d'anxiété.
Quand Simon est parti juste après avoir découvert l'identité de Peter, je n'ai pas tenté de le rattraper. Persuadée qu'il avait seulement besoin de temps et d'espace, je ne l'ai laissé fuir.
Si j'avais su qu'on ne le retrouverait que vingt-quatre heures plus tard, inanimé et déshydraté, je l'aurais retenu envers et contre tous, lui compris. Ce n'est pas ce que j'ai fait. Égoïstement, je suis restée chez moi à pleurnicher sur mon sort. Il n'existe pas de mots assez forts pour exprimer la culpabilité que je ressens à l'avoir abandonné à ses démons. J'aurais dû le seconder dans cette bataille, ne pas laisser les fantômes de son passé l'assaillir avec autant de violence et se repaître de sa carcasse.
— Tu n'y es pour rien, scande une voix rauque que j'ai appris à reconnaître.
Anthony. Sa présence est une bénédiction. Complètement perdue dans ce tourbillon insensé, je lui lègue toutes les décisions médicales. Savant mélange d'autorité et de bienveillance, je lui accorde ma confiance sans l'ombre d'une hésitation.
— Tu devrais rentrer chez toi pour cette nuit. Cet épisode de délire peut durer quelques semaines. Tu auras besoin de repos pour tenir le coup.
« Quelques semaines » ?! Je ravale mes larmes, et la panique qui menace d'emporter ce qu'il me reste de retenu.
— Je n'aurais pas dû lui balancer ça comme ça, laissé-je échapper dans un sanglot.
Sa main chaude, presque paternelle, se pose sur mon épaule. Mon corps se détend légèrement.
— Il n'y avait aucune bonne façon de le lui annoncer, affirme-t-il. Tu ne pouvais pas deviner que ça prendrait cette tournure. Même moi, dont c'est le métier et qui suis Simon depuis longtemps, je n'aurais pas pensé que ce choc puisse déclencher des délires passagers. Tu n'as pas à t'en vouloir. Il était fragilisé par beaucoup de choses et ça a probablement été la goutte d'eau.
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A cœur perdu
RomanceATTENTION SPOILERS si vous n'avez pas lu le tome 1 Ravagé par le départ soudain et inexpliqué de la femme sa vie, Simon se remet difficilement. Affronter la perte de la belle Anna sans aucune explication à laquelle se raccrocher lui semble une monta...