[Jain]
Anna
Simon me regarde silencieusement. Il n'a pas articulé un seul mot pendant toute la durée de mon long monologue. Si je suis parvenue à lui raconter cette soirée en détail sans fondre en larmes, sa réaction, ou plutôt son absence de réaction commence à venir à bout de ma résistance.
— J'ai paniqué, tenté-je de me justifier. J'étais effrayée à l'idée qu'il puisse anéantir tous tes projets, tout ce pour quoi tu t'es tant battu.
Le psy reste muré dans son mutisme. Désemparée, je jette une dernière bouteille à la mer :
— Je ne sais même pas comment il a pu avoir accès à ces informations ! Presque personne n'est au courant de notre histoire ! J'ai conscience d'avoir agi sur un coup de tête en partant et de t'avoir blessé, mais je voulais te protéger...
Mes sanglots réprimés éclatent dans un bruit sourd. Devant la violence de ma détresse, Simon sort de sa torpeur et pose précautionneusement une main sur mon bras.
— Je suis navré, Anna.
S'il paraît calme, je devine à son regard bouillant qu'en réalité, il contient difficilement ses émotions. La colère que je discerne dans ses rétines me tétaniserait si je ne la savais pas adressée à un autre.
— J'ai envisagé des tas de scénarii catastrophes pour expliquer ton départ. Pourtant, celui-ci ne m'était pas du tout venu à l'esprit.
Il se détourne, fixant le ciel avec un mélange de rage et de chagrin.
— Je suis sincèrement désolé que tu aies dû subir ça, articule-t-il doucement. Je n'ose même pas imaginer ce que tu as pu ressentir.
Les poings et la mâchoire serrés, il continue de contempler la myriade de couleurs que l'horizon peint avec soin.
— Je n'ai jamais autant haï quelqu'un de toute mon existence, crache-t-il avec aigreur. Et j'inclus le connard qui a tué Alice.
Je ne rebondis pas. Nous avons bien assez de mon passé à régler pour ne pas s'attarder sur le sien pour le moment.
— J'aurais voulu t'aider à traverser ça. J'aurais dû t'aider à traverser ça.
Ses yeux se tournent brusquement vers moi, et je perçois dans son regard intense tout l'amour et la compassion que j'y lisais autrefois. Avant mon départ.
— Mais pour ça, il aurait fallu que tu m'appelles dès que ce salaud s'est tiré de chez toi. Nous serions allés porter plainte dans la minute.
Cette phrase, prononcée d'un ton péremptoire, contraste tellement avec l'empathie de ses précédents propos que j'ai du mal à rassembler mes pensées.
— Tu n'as pas entendu ce que je viens de t'expliquer ?! finis-je par balbutier. Peter m'a assuré qu'il briserait ta carrière si je te contactais ! En disparaissant, j'avais la certitude qu'il te laisserait tranquille et que je n'aurais pas à le confronter au sujet de sa... requête.
Un frisson de dégoût me traverse lorsque je songe aux doigts de Peter parcourant ma peau. Putain, pas ça !
— Je voulais nous sauver.
Visiblement agacé, Simon se lève et commence à effectuer les cent pas sur la terrasse. Après quelques allers-retours nerveux, il s'immobilise enfin, les prunelles rivées sur mes traits tendus.
— Anna, cet enfoiré t'a menacée justement parce qu'il ne pouvait rien faire d'autre.
Je fronce les sourcils, vexée. Voilà bien quelque chose qui ne m'avait pas manqué : le ton empreint de condescendance du psychologue qui connaît tout mieux que tout le monde.
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A cœur perdu
RomanceATTENTION SPOILERS si vous n'avez pas lu le tome 1 Ravagé par le départ soudain et inexpliqué de la femme sa vie, Simon se remet difficilement. Affronter la perte de la belle Anna sans aucune explication à laquelle se raccrocher lui semble une monta...