Come up to meet you, tell you i'm sorry

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[Coldplay]

Anna

La porte de l'amphithéâtre, que je surveille attentivement depuis une éternité, s'ouvre enfin. Soulagée de ne pas avoir à patienter davantage, je lève une main pour indiquer ma présence aux deux hommes qui en émergent. D'un pas alerte, ceux-ci me rejoignent à la table que j'occupe, à quelques mètres de là.

— Après réflexion, annonce Marc une fois à ma hauteur, nous avons décidé de laisser le choix à nos conférenciers. Nous vous mettrons en contact avec ceux qui acceptent de communiquer avec vous.

Je hoche la tête, satisfaite qu'ils aient sélectionné cette option.

Si le Dr Jung me sourit chaleureusement, son compère, en revanche, me fixe d'un œil noir. À 15 heures, lorsque je me suis présentée, les deux médecins n'ont pas caché le désaccord qui les opposait. Si Marc, que j'avais appelé la veille, semblait enthousiasmé par ma présence, son confrère considérait que la presse ne devait pas se mêler de formations médicales. Au bout de vingt minutes de conversation, durant laquelle j'ai étalé les motivations de World's View, ils se sont mis d'accord pour me donner une réponse en fin de journée.

Dieu merci, celle-ci s'avère positive.

— Je vous remercie pour votre confiance. Vous ne le regretterez pas.

— Ce sont les conférenciers coopératifs qu'il faudra remercier, nuance le Dr Fried.

Il jette un œil sur sa montre avant de continuer :

— La dernière intervention se termine. Je pense déjà à quelques candidats susceptibles d'être intéressés par leur nom dans les médias.

Sa phrase à peine achevée, la salle commence à se vider. Sans perdre une seconde, Nicolas Fried interpelle un homme d'une soixantaine d'années, aux cheveux blancs et à la peau très bronzée. Un peu trop d'ailleurs.

— Voici justement le Dr Rioual, un de nos plus éminents confrères. Son exposé a ouvert cette journée. Alain, permettez-moi de vous présenter...

— Adèle, je vous en prie, achevé-je à sa place. Je ne suis qu'une petite journaliste, inutile d'employer des formules de politesse excessive.

Maintenant que Chris m'a affublé de ce nom, je l'utilise comme couverture. Jusqu'ici, personne n'a jamais cherché à vérifier mon identité ou à contrôler ma carte de presse. Néanmoins, il faudra peut-être que je songe à en réclamer une nouvelle à John, affichant ce nouveau patronyme : Adèle Sawyer. La courageuse et impétueuse journaliste, à mille lieues de la timide et traumatisée Anna Klein.

— Enchantée, Adèle, susurre le dénommé Alain en baisant ma main d'une façon aussi chevaleresque que ridicule. Je serais ravi de vous accorder cinq minutes de mon temps.

Je force un sourire charmé malgré le dégoût que m'inspire ce pompeux psychiatre. Je connais parfaitement ce genre de types, dont on doit sans cesse cajoler l'ego.

— Splendide ! s'exclame Marc. Pendant que vous discutez, je vais tâcher de dégoter d'autres collègues.

— Je vous laisse entre de bonnes mains, Adèle, embraie Nicolas. J'ai encore quelques détails à vérifier pour demain. Excellente soirée à tous.

Nous nous saluons courtoisement, puis les deux organisateurs disparaissent dans la foule tandis que le Dr Rioual prend place devant moi. Notre entretien dure environ quatre minutes, dont trois passées à refuser poliment ses avances. Quand je réussis enfin à me débarrasser de lui, je griffonne sur mon carnet les quelques éléments que je suis parvenu à lui soutirer concernant les anxiolytiques les plus prescrits dans le traitement des femmes violentées.

A cœur perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant