Tell me your secrets, ask me your questions

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[Coldplay]

Simon

— J'ai un truc à te dire.

Les mots d'Anna, prononcés d'un ton hésitant, me font sursauter. Debout devant le lit, prêt à me ruer sous la douche après une nuit torride, je me tourne vers ma journaliste. Cette dernière se tient assise dos au mur et me fixe avec une appréhension mêlée de terreur.

Tout mon corps se tend brusquement. Je ne lui ai jamais connu un tel regard, rempli de gravité. Nerveux, je hoche la tête et affiche l'air le plus neutre possible, bien éloigné de la panique qui m'habite en réalité. Étant donné son attitude proche de la tétanie, il lui a fallu beaucoup de courage pour prononcer ces mots. Je refuse que mon comportement la dissuade de se confier à moi.

— Tu veux que je m'asseois ?

Je me sens idiot de demander ça, mais rien d'autre ne me vient.

— Oui.

Je m'exécute en silence, torturé cette ambiance pesante qui s'alourdit de seconde en seconde. Une fois installé, je replonge mes yeux dans les siens. Sa silhouette presque recroquevillée me fend le cœur. Je pose une main douce sur son épaule, désireux de rassurer l'anxiété qui émane d'elle par tous les pores.

— Tu sais que quoique tu me dises et peu importe les difficultés qui en résulteront, je serai là ?

C'est une moue étrange qui répond à ma question. Une moue à mi-chemin entre confiance et scepticisme, entre chaleur et angoisse, entre amour et désolation.

— Je reviens.

Surpris par son ton ferme, je l'observe se diriger vers l'armoire, farfouiller parmi les draps aux odeurs de naphtaline puis en sortir une chemise cartonnée rouge sang. L'objet en main, elle regagne sa place sous mon air ébahi.

— C'est quoi ce truc ?

Visiblement mal à l'aise, Anna se tortille sans produire le moindre son. Enfin, au bout d'une atroce et longue minute, elle me tend le dossier, le visage rivé sur ses cuisses. Ne comprenant pas vraiment ce qu'elle attend de moi, je cherche son regard sans réussir à le trouver. Elle m'évite. Seule sa peau de plus en plus pâle s'offre à mes tentatives de contact.

— C'est quoi, Anna ? essayé-je à nouveau.

Toujours sans me considérer, la belle rousse entremêle nerveusement ses doigts.

— Je n'ai aucune idée de comment aborder les choses, alors je voudrais d'abord que tu jettes un œil aux papiers à l'intérieur.

Mon ventre se tord et mon cœur se met à battre frénétiquement. Je n'aime pas ça, putain.

Sans m'appesantir davantage sur la foule d'émotions complexes qui m'assaillent, j'ouvre la chemise et je regarde ce qui s'y trouve. Dans un premier temps, je ne comprends pas.

Je ne comprends pas ce que ces articles de journaux, tous à propos de la mort d'Alice, font cachés dans une armoire aussi vieille que les draps à l'intérieur.

Je ne comprends pas pourquoi, à ces documents qui me font toujours autant frissonner, s'ajoutent des papiers qui traitent, apparemment, de Peter.

Je ne comprends pas le lien entre Timothy, le meurtrier de mon amie, et son connard d'ex.

Soudain, alors que je ressasse encore et encore les multitudes de feuilles éparpillées sur le lit, la lumière jaillit dans mon cerveau. Une lumière sombre, aveuglante, qui me plonge non pas dans la félicité et la béatitude, mais dans l'horreur la plus totale. Je viens de saisir l'attitude pétrifiée d'Anna, ses traits rongés par l'angoisse et son teint blême. Je ne tiens pas l'identité de deux hommes entre mes mains, mais bien celle d'une seule et unique personne, responsable à la fois de la mort d'Alice et des tourments d'Anna.

A cœur perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant