Chapitre 28

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"Quand on a tout perdu, quand on n'a plus d'espoir, la vie est un opprobre et la mort un devoir."

Voltaire

CIMETIÈRE

Sara

Chaque interaction, chaque regard, chaque souffle augmente mon envie de baisser les bras. Mes mains se crispent, refoulant tout contact qui n'est pas le sien. Mes jambes, elles, fuient le monde si répugnant. Chaque son, chaque odeur, chaque sensation me fait penser à lui. L'homme qui aurait dû partager ma vie. Un homme si merveilleux, si adorable, si compatissant.

Pourquoi l'avoir tué ?

Pourquoi lui ?

Il n'était pas mauvais, il n'a fait aucune mauvaise action, aucun péché, alors pourquoi me l'avoir pris.

Pourquoi ?

Pourquoi est-ce toujours les plus bon qui parte en premier ? Ils n'ont rien fait de mal et pourtant, ce sont eux les plus châtiés. Ils respectent avec crainte les ordres, les règles, mais en dernier ressort, ils subissent les dommages collatéraux.

Je trouve tout cela injuste. La vie en elle-même est injuste. Il n'aurait pas dû mourir. J'ai l'impression de l'avoir perdu. D'avoir perdu cette sensation de protection. Mon cerveau n'arrive pas à analyser le fait qu'il ne reviendra plus, qu'il ne sera plus à mes côtés, néanmoins il est bien ici à mes côtés, allongé dans un cercueil. Dans cette boite si profonde et si sombre. Le bois dur doit lui causer bien des souffrances. Et puis cette pénombre, ce noir si intense doit le terrifier.

Yvan avait une peur bleue du noir. Je trouvais cela mignon. Au début, je l'avoue m'être moquée de lui. Un homme terrifié par la noirceur des nuits. Quelle ironie du sort, je suis maintenant également terrifiée par cette noirceur, par ce vide causé par son absence. Je suis là, seul, enfermé entre quatre murs étroits, dans une noirceur sans fin, cherchant désespérément une main sauveuse. Cherchant la guérison à cette peur.

Est-ce qu'un jour, je cesserai de ressentir cette douleur. Celle qui me vole mon sommeil. Celle qui me ronge de culpabilité, je suis rongée jusqu'aux os. Ma peau se détériore face au coup de griffe que je m'inflige. Cette douleur que je provoque atténue celle que je ressens dans mon cœur, mais il reste toujours ce manque incomplet qui me creuse avec cruauté.

Je souhaite, je désire un remède contre cette souffrance, contre cette peur du noir. Je veux qu'il revienne à moi. Je veux voyager à ces côtés. Je veux vivre, pleurer, rire à ces côtés. Je veux lui crier mon amour pour lui une dernière fois. Je veux sentir son cœur battre contre le mien.

Je convoite et je convoiterai cet amour pour nous deux. Si lui ne vit plus, moi, je vivrai pour lui.

Je rirai pour deux, je pleurerai pour deux et je vivrai pour deux.

Une main gantée me fait signe de prier, prier pour que l'homme que j'aime soit heureux là où il se trouve. Pour qu'il soit apaisé. D'une envie de créer des liens avec lui, je colle mes deux mains entre elle et prie. Je prie pour que nous nous retrouvions un jour. Je prie avec l'espoir de ne plus ressentir cette chose néfaste qui grandit en moi.

Le religieux prit à voix haute pour que tout le monde puisse bénéficier de cette prière. D'une oreille souffrante, je suis sa prière orale tout en gardant mes mains collées. Une grande chaleur nous enveloppe, mais je ne la ressens pas. Je ne ressens rien. Le visage tout transpirant du religieux me fait comprendre qu'il fait vraiment chaud. Son front est tout dégoulinant et pourtant, il ne s'en préoccupe nullement, trop concentré sur ces paroles.

D'un regard vif, je remarque que toutes les têtes sont tournées vers le sol terreux. Les mains collées entre elles, certains récitent à voix basse la prière et d'autres se contentent d'écouter.

Du bout des doigtsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant