Chapitre 33

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" Et vivre, c'est ne pas se résigner "

Nasser Zammit

VILLA BELZI

Asli

Mes mains tremblent. Mes pieds sont paralysés. Mon envie de courir se résout à la paralysie. Mes paupières sont lourdes d'un liquide translucide qui ne cesse de se régénérer à chaque mot qu'elle prononce. Ce ne sont pas des phrases, seulement des mots saccadés par la peur. Des syllabes sont souvent accompagnées de grands sanglots et de remises en question. Ces yeux se refusent à ma vue. Mon cœur se serre, il se poignarde à chaque instant.

Son corps est plié sur lui-même. Sa tête est allongée sur une fine planche en bois. Une lame aiguisée se trouve au-dessus de sa tête. Un faible espace les sépare. Je rebute chaque millimètre qui les sépare. Mon souffle est coupé à l'idée que cette lame se déchaine sur sa tendre peau.

Un homme trainant des chaines au sol percute ma vision. Cet homme au nom si inhumain me lance un regard d'amusement. Toute cette comédie le rend heureux. Cette mort, celle de cette fille, ne lui cause aucun regret, au contraire, il en est heureux. Heureux de pouvoir utiliser son instrument de torture.

Tout condamné aura la tête tranchée, voilà sa justice. Voici la justice de mon père.

La justice appartient au vainqueur, au plus fort, ainsi est la mentalité de l'homme qui m'a élevé.

Un pas après l'autre, il monte les marches en bois. Chaque marche franchie me comprime le cœur. L'air me manque, mais je refoule toute pensée d'en consommer.

Si elle aura la tête tranchée, alors moi, je n'aurai pas d'air. Si elle meurt, je meurs. Nous sommes semblables en tout point. Elle est moi et moi, je suis elle. Nos vis sont à l'identique.

Elle était à l'identique...

Le titillement des chaines contre le bois ne cesse de me perturber dans mes réflexions. Je quitte ma meilleure amie des yeux pour observer mon père et ces chaines. Un sourire malveillant s'agrandit à chaque pas qu'il accomplit. Ces mains se délient pour jeter les chaînes en métal au pied de la potence en bois. Il s'avance au dos de Firdaws. Son sourire ne cesse de s'agrandir. Il y prend un mal en plaisir de me voir aussi apeurer. Mes cris de rébellion lui semblent être une douce symphonie d'oiseau.

Mon cœur se fait poignarder quand ces mains se languissent autour de la corde. J'ordonne à mon corps d'avancer, mais rien, ils se refusent à m'obéir. Il est beaucoup trop chamboulé et apeuré pour ne se resque que lever le petit doigt. Mes pensées sont bloquées sur ce qui vient de se passer.

Elle n'a rien fait de mal. Tout ce qu'elle désirait était de jouer avec lui, d'apprendre à le connaitre. Est-ce si mal de vouloir aimer son prochain ?

Firdaws et moi avons joué avec le feu, l'interdit et papa nous a surpris. Quand il a vu ma meilleure amie aux côtés de Milan, il a vu noir. Rien n'a calmé sa rage, seule la justice lui a semblé cohérente.

Cohérente ?

Justice ?

Rien n'est cohérent dans tout ce qu'ils entrepront, depuis la mort de ma mère : tout n'est que malheur et méchanceté. Tout est immonde et je n'ai pas le droit de m'en plaindre, voilà ce que je ne cesse de me dire. Parce que si on en est là aujourd'hui, c'est ma faute. Si papa est si cruel, c'est ma faute. Je lui ai volé son antidote, sa guérison.

— Pi-tié... je...jouer...tente de dire Firdaws.

Ces quelques mots me brisent le cœur. Je retente de la sauver, mais rien, mon corps est catégorique, aucun mouvement ne lui sera dû. Mon père rie et prononce à voix haute :

Du bout des doigtsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant