Helium

Chapitre 3

Dès l'instant où la porte de la réserve est ouverte, mon cœur émet un bond de surprise qui se répercute jusqu'à mes épaules. Le multimillionnaire retire sa main de la poignée et je comprends enfin que si pousser le battant paraissait si léger c'était surtout parce qu'il tirait en même temps que moi.

Isaac Moreno abaisse sa tête – par réflexe probablement, car il ne risque pas de se cogner – pour rentrer à moitié dans la réserve. Ses iris noires balaient très vite le lieu avant de considérer une nouvelle fois ma présence.

— Est-ce un lieu propice à la productivité ?

Il n'a pas l'air en colère, mais sa voix n'a rien de courtoise non plus.

— Je... rangeais juste des affaires inutiles, dis-je stressée en joignant le geste à la parole pour lui montrer l'état des lieux.

Il ne pipe mot. J'espère qu'il va enfin mettre un terme à cette rencontre qui s'avère finalement un peu déroutante mais il reste sur place. De ce fait, n'ayant pas encore oublié les mots de la DRH, je prends les choses en main et tente de me faufiler entre lui et le petit espace qu'il a laissé au niveau de l'encadrement de la porte.

— Euh...

Un collaborateur du département des ressources humaines avance d'une marche rapide en nous jetant un coup d'œil furtif. Je recule à cause de cela et percute une étagère. Elle vacille et fait s'effondrer quelques articles que déjà, mon patron la soutient, entrainant la fermeture brusque de la porte.

— Vous n'avez rien ? demande-t-il tandis que je m'empresse de m'accroupir.

— Non, tout va bien, j'ai juste eu un peu peur.

— De quoi ?

— Hein ? demandé-je distraite en regroupant les objets tombés.

— De quoi avez-vous eu peur ?

Je me redresse, soulevant un tas de babioles dans les mains, et fixe mes yeux dans ceux d'Isaac. Serait-ce important de lui dire que je craignais de devenir la cible d'une nouvelle rumeur au sein de l'entreprise si l'on m'avait aperçu avec lui dans cette réserve ? Je ferai mieux de sortir d'ici au plus vite.

— C'était stupide, rétorqué-je finalement en rangeant les articles dans un carton.

Je cherche un chemin pour dépasser Isaac Moreno mais il reste stoïque.

— Vous harcèle-t-il ? me demande-t-il.

— Quoi ? Non !

— Pourtant vous avez paniqué en apercevant un de vos collègues.

— Oh, non, pas du tout... enfin, oui, j'ai paniqué, mais...

— Le harcèlement est pris très au sérieux à Iscade, déclare Isaac. Si quelque chose vous perturbe, vous devez le dire.

Je hoche la tête, hésitant à en dire plus.

— Nous avons des protocoles pour ça, et je veux m'assurer que vous vous sentez en sécurité.

Surprise par son ton inhabituellement compréhensif, je prends une profonde inspiration pour parler ; mais c'est surtout pour éviter que mon collègue ne pâtisse pas de mon silence.

— Merci, mais vraiment, tout va bien. Je ne voulais juste pas être au centre d'autres commérages. On raconte déjà que j'ai flirté avec un de vos partenaires pendant un dîner d'affaires... alors, j'aimerais bien sortir d'ici avant qu'il ne se dise des choses sur vous et moi.

Isaac acquiesce et se décale pour me laisser passer. Je sors et m'éloigne rapidement, le cœur battant. Mais à peine ai-je fait deux pas que j'entends :