Helium

Chapitre 18

Le plus dangereux quand on ne nous aime plus, ce sont tous les actes, criminels ou non, que l'on est prêt à commettre pour renaitre dans le cœur de l'autre.

Une porte coulisse dans mon espace de travail tandis que j'achève la synthèse d'un dossier sur mon ordinateur. Lorsque je lève les yeux, un soubresaut de surprise m'empoigne quand je réalise que cela provient de la pièce secrète, et qu'Isaac se tient à l'encadrement de la porte désormais ouverte.

Un frisson d'inquiétude coule dans mes veines quand je me rappelle la conversation sur l'incident que nous n'avons pas encore eu l'occasion d'avoir. Il m'avait promis que nous l'aurions ce soir, avant d'aller diner avec ses parents au restaurant. La voilà donc...

— Vous allez bien ?

Je hoche la tête et me lève. Il m'invite à faire plus de pas dans sa direction avec un léger coup de tête sur le côté. Je m'arrête à sa hauteur, il reste quant à lui contre le chambranle.

— Je ne suis pas content de vous, me confie-t-il.

Est-il soudainement redevenu le patron tyrannique de nos débuts ?

— Je comprends, dis-je. Je n'aurai pas dû vous jeter à la figure toutes ces choses la dernière fois. C'était un manque total de professionnalisme... même si c'est arrivé en dehors d'Iscade.

— C'est arrivé en dehors d'Iscade, en effet, confirme-t-il. Mais vous avez trainé votre blessure jusqu'aux quatre murs de cette entreprise.

Mon cœur bat étrangement vite pendant que mon regard bascule de ses yeux au vide. Je me sens embarrassée.

— Je...

Il demeure patient, attendant que je mette des mots sur mon silence mais je n'y parviens pas. Comment suis-je supposée me défendre alors qu'il n'a proféré aucun mensonge ? 

— Vous avez laissé vos émotions dicter vos décisions alors que cela peut nuire à notre travail, reprend-il finalement.

— Vous avez raison, je ne recommencerai pas.

D'une voix calme et polie, j'ajoute en repartant vers mon secrétaire :

— Vous allez être en retard.

— Vous recommencez.

Je me remets face à Isaac, les yeux remplis de larmes. Pourquoi suis-je incapable de faire taire ces sentiments ? Ils me font tellement souffrir que j'ai peur qu'ils finissent par me détruire. Le cœur d'Isaac est inatteignable, pourtant le mien est en train d'y graver, jour après jour, dans chacune de ses pulsations, son nom au fer rouge.

— Vous voulez faire de moi un robot sans émotion, Monsieur Moreno ?

— Je veux juste que vous me parliez.

— Que je vous parle, reprends-je doucement avant de hausser les épaules. Je vous parle.

— Comme avant ces messages.

Mon cœur se serre.

— Nous étions sur la bonne voie pour être de vrais amis alors oublions ce qui est arrivé ce soir-là, exprime Isaac, la voix chargée de regrets. Je vois que tout ça vous fait du mal et... (Il secoue la tête.) Et je ne veux pas ça pour vous. Je m'excuse d'avoir été si ambiguë.

— Vous regrettez les messages que nous avons échangés ?

Une petite lueur timide se dépeint sur son visage durant un instant de fragilité, puis il reprend un certain contrôle et admet :

— J'ai apprécié chaque mot que nous avons échangés, ce soir-là.

— Alors pourquoi ne pas tout recommencer à partir de là ?