— Tu peux lever les yeux, on est arrivés, annonce John.
Je ferme le document Word dans lequel j'écris depuis vingt minutes mes préoccupations et les points forts sur le dossier de pénétration des nouveaux marchés, et verrouille mon portable.
— Où est-ce qu'on est ? demandé-je en retirant ma ceinture de sécurité, puis en rangeant mes affaires.
— Ton restaurant préféré.
Je fronce les sourcils et place pour la première fois mes yeux sur la bâtisse. Une irritation passagère me gagne, mais je la chasse en inspirant subtilement.
— Je ne me suis pas trompé, rassure-moi ?
Il ne se rend vraiment compte de rien ? Je le sonde, éberluée. Et en effet, je réalise qu'il n'a pas le moindre souvenir. C'est pourtant ici qu'il m'a larguée en m'avouant qu'il ne m'aimait plus.
— Non, pas du tout, finis-je par dire.
Il sourit et on descend. Quand on arrive dans la salle de restauration, John se présente pour sa réservation, insistant bien au serveur qu'il a pris une table à l'extérieur. Ça doit faire partie de son cadeau empoisonné : j'ai toujours préféré manger sur la terrasse à chacune de mes visites ici.
— Effectivement, suivez-moi je vous prie, votre table vous attend.
Dehors, sur la terrasse sur pilotis, il fait bon et beau. Le soleil de fin d'après-midi est doux, de même pour le vent. Tandis que nous traversons les tables, j'ai une grande surprise en tombant sur l'époux de ma sœur. Il est en train de partir.
— Chris ! dis-je jovialement.
Il balaie la véranda d'un œil intrigué, et lorsqu'il me voit, un air encore plus surpris et heureux que le mien couvre sa face. Il s'approche.
— Tu vas bien ? me demande-t-il en m'étreignant.
— Super.
Je regarde de gauche à droite comme pour chercher un quelconque partenaire de sortie.
— Tu es venu tout seul ?
— Oui, avec Malika on s'autorise des rencards solos pour souffler un peu, parfois.
Je ris.
— Ce n'est pas une blague. Elle m'a vraiment obligé à sortir seul et à lui envoyer des photos.
— C'est son côté thérapeute inné.
Mon beau-frère arbore soudain un regard secret en plissant les yeux, et je sais tout de suite ce qu'il va dire. Mon sentiment se confirme quand il pointe son pouce sur sa poitrine ; c'est surtout pour montrer derrière lui, où se trouve John assis à quelques tables plus loin.
— Il vivait chez moi parce qu'il n'avait nulle part où aller, expliqué-je. C'est juste un diner de remerciement, disons.
Il intègre la nouvelle en hochant la tête comme un robot.
— Malika n'est pas au courant, affirme-t-il
— Non, mais tu vas t'en charger, n'est-ce pas ? demandé-je faussement sarcastique.
Il penche la tête sur le côté, l'air rieur. Après un « allez, je te laisse profiter de ta soirée », il m'étreint une dernière fois et s'en va. La plus grande surprise de la soirée me frappe à ce moment exact.
Isaac est là et il m'a aperçue. Peut-être bien plus tôt que moi que je l'ai fait, puisque je le surprends à me considérer.
Nos tables ne sont pas loin l'une de l'autre. Il est installé sur la droite, soit près de la clôture en verre qui dessert une vue parfaite sur l'eau, ses roches et les arbres un peu plus loin. John et moi sommes sur la gauche. En d'autres termes, nous ne sommes séparés que par l'allée qui permet aux clients et aux serveurs de se déplacer.
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Helium
RomanceAyan Carlson est une jeune femme radieuse ayant des ambitions qui la poussent à aller chercher un emploi auprès d'Isaac Moreno, sans savoir qu'avec autant de persévérance, elle est déjà en train de mettre leur relation à rudes épreuves. ...