Chapitre 35

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Malika m'accueille avec un gros câlin avant même que je ne franchisse le pas de sa porte. Je sens mon chagrin pointé le bout de son nez, alors, comme si de rien n'était, je parle de la première chose qui me passe par la tête.

— J'ai trouvé une nouvelle idée de création, dis-moi ce que tu en penses, dis-je en allant m'assoir sur le canapé. Ce serait un vase en forme de parapluie.

Malika s'en va dans la cuisine mais je n'arrête pas de parler car je sais qu'elle peut m'entendre.

— Il y aurait des trous sur la toile, continué-je.

Je laisse s'étendre un silence en imaginant l'œuvre en question. Finalement, elle ne me convainc pas sous sa forme brute. Ma sœur place un bol de brocoli entre nous en s'asseyant et explique :

— C'est encore mieux que de la crème glacée. J'ai entendu dire que ça remontait le moral.

— Après tu me connais, il y aura obligatoirement une touche personnelle et abstraite sur la forme...

— Tu ---

— Ça servira plus d'objet de déco que d'un truc utilisable, me convaincs-je, tu arrives à voir l'idée ?

— Ça sonne très « désespoir », personne ne met des trous sur un parapluie.

Je la réprimande par le regard.

— Mais ça reste chouette comme idée.

— Alors...

Et je parle ainsi pour le restant de la journée pour éviter de penser à tout plutôt que lui. À chaque fois que j'ai le pressentiment que la « Malika Psychologue » est sur le point d'éclore, je me prononce sur un nouveau sujet de conversation.

Elle commence à bouillonner d'impatience aux alentours de huit heures du soir, et elle explose d'énervement quand je me remets à parler de céramique pour la millième fois.

— Et donc ---

Stop, ça suffit ! m'interrompt brusquement Malika. Stop, je n'en peux plus !

J'inspire doucement en remettant le plaid sur mes jambes. J'ai épuisé tous mes sujets de conversations pour la journée, je vais devoir l'écouter. Elle se rapproche de moi et appose un toucher délicat sur mon épaule.

— Comment tu vas, Ayan ?

Malika accentue sa caresse affective pour m'encourager.

— Pas très bien, en fait, avoué-je enfin. Il me manque...

Son regard de grande sœur protectrice me couve, je sens mes yeux se mouiller au souvenir d'Isaac.

— Appelle-le, m'incite Malika.

— Ce n'est pas un conseil qui te ressemble.

— C'est vrai que j'aurai préféré te dire d'attendre qu'il réponde à ton message, mais tu souffres suffisamment...

J'entends son conseil, je veux même le suivre. Mais tout à coup, la mini moi qui est contre Isaac, me rappelle que s'il ne m'a pas appelé depuis, c'est parce qu'il n'ose pas me dire qu'il ne veut plus de notre relation.

Je chasse ma vulnérabilité d'un secouement de la tête.

— Non, je ne le ferai pas, déclaré-je en me levant.

Je plie le plaid en deux et le dépose sur le bras du canapé. Une sonnerie retentit et me fait revenir sur mes pas. C'est mon téléphone que j'allais oublier.

— Maman ? demande la voix endormie de Dan. J'ai soif...

Je récupère mon appareil sur la table basse recouverte de livres et de jouets. En lisant son nom, je me fige.

HeliumOù les histoires vivent. Découvrez maintenant