Chapitre 6

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Quel emmerdeur.

Je m'avance et avec mon genou, je le repousse pour qu'il s'appuie de l'autre côté du cadran, celui qui n'est pas aligné à la poignée. Il grogne. J'enfonce la clé dans la serrure et déverrouille la porte.

John s'effondre sur le parquet de mon vestibule dès que je pousse la porte. Ça le réveille d'un coup.

— Putain ! gronde-t-il en se grattant la tête.

Gardant sa position allongée sur le plancher, il épingle ses yeux dans les miens. En me débarrassant de mon blazer, je clame :

— Je te laisse cinq minutes pour sortir d'ici avec tout tes cartons.

—  Toujours aussi charmante.

— Après ces cinq minutes révolues, j'appelle les flics, l'avertis-je en le voyant croiser ses bras sous sa nuque.

Il se redresse. De mon côté, je m'enfonce dans l'appartement. J'entends la porte se fermer dans mon dos, et déjà, je fouille mon frigidaire en espérant qu'il me ponde quelque chose à grignoter.

— Je ne pourrai pas tout prendre aujourd'hui ---

Je laisse tomber mes recherches et vais m'appuyer contre le cadran de l'arche de la cuisine. John se dirige derrière le canapé en cuir orange tanné, placé près du mur où jonche ma grande bibliothèque rose pâle et ses cartons de déménagements.

— Je prends juste des habits chauds et je me tire, reprend-il en ouvrant un carton au hasard.

— « Habits d'hiver », le notifié-je. C'est marqué en gros sur la boite d'en bas.

Il me lâche un regard charmé, puis après un sourire un coin, se débarrasse de la boite d'en haut pour ouvrir celle sur le sol.

— L'organisation ça a toujours été ton truc, remarque-t-il en fouillant le carton. Ça m'arrive encore de me demander ce qui m'a pris de bousiller une relation où j'étais si tranquille.

Je croise mes bras sur mon ventre, réprimant chaque parcelle des sentiments douloureux du jour où je l'ai surpris dans les draps avec une autre. John se redresse en brandissant deux pulls.

— Je repasse dans quelques jours.

— Que ça ne devienne pas une habitude.

Ignorant ma remarque, il scrute la bibliothèque et ses yeux se plante sur un carré de rangement en particulier. Celui-là garde le globe terrestre qu'on s'était offert. Ce jour, il a clamé une phrase si niaise que je ne l'ai jamais oublié : « je te promets de te conquérir chaque jour pendant notre conquête du monde ensemble. »

— J'emmène ça aussi.

En vérité, faire le tour du monde c'était plus son rêve que le mien. Pourtant, mon cœur se serre dès qu'il retire ce dernier souvenir de nous.

Je l'emboite pour fermer la porte derrière lui. Seulement, avant de faire un pas en dehors de mon loft, il se retourne. Il se gratte le haut du crâne et me regarde à peine dans les yeux quand il demande :

— Par hasard, t'aurais pas vingt dollars à me prêter ?

Un pli curieux voile ma mine.

— Tu as perdu ton travail ?

— Ce n'est pas le problème, tu peux oui ou non ?

Je me penche vers ma table d'appoint et prends dans mon portefeuille les quinze dollars de change datant du jour où j'ai déjeuner avec ma sœur.

— C'est tout ce que j'ai.

— Ça fera l'affaire, à plus, déclare-t-il en s'en allant avec les billets.

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