Chapitre 10

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La lune se reflétait sur la surface calme du lac, créant une lumière argentée qui dansait sur l'eau. Après une journée entière de chevauchée, nous étions enfin arrêtés pour la nuit. Cain dormait déjà, ronflant bruyamment comme à son habitude. Je m'étais éloigné du camp, cherchant un moment de répit. L'air frais du soir et la quiétude du lac étaient apaisants, mais mon esprit restait troublé. En m'approchant du bord pour me rafraîchir, j'aperçus Emirya, seule, assise sur un rocher, les yeux fixés sur l'horizon. Son visage était illuminé par la lumière de la lune, et ses traits, d'ordinaire si durs et déterminés, paraissaient presque vulnérables.

Sentant que c'était le bon moment pour lui parler, je m'approchai lentement, prenant soin de ne pas la brusquer.

— Il faut qu'on parle, dis-je d'une voix basse mais ferme. Tu ne nous as jamais vraiment expliqué les véritables intentions d'Angel, ni comment tout ça affecte Tarrafae, notre royaume à Cain et moi. Tu ne nous as même pas parlé de ta reconquête du trône en allant voir tous les souverains des Sanguins. J'ai l'impression que tu nous caches tellement de choses... Comment pourrais-je t'aider si tu ne te confies même pas à moi ?

Emirya resta silencieuse un instant, puis poussa un léger soupir. Elle tourna lentement la tête vers moi, et je vis dans ses yeux un éclat que je n'avais jamais vu auparavant : de la tristesse mêlée à un soupçon de regret.

— Je suis désolée, dit-elle enfin, sa voix douce et sincère. Tu as raison, j'aurais dû t'en parler. Mais... j'ai tellement l'habitude d'agir seule. Toute ma vie, j'ai dû obtenir ce que je voulais par mes propres moyens, quitte à en laisser des morceaux de moi derrière.

Ses mots flottaient dans l'air, lourds de sous-entendus. Je ne pouvais m'empêcher de penser à Goldryque, ce fae-dragon qu'elle avait manipulé pour obtenir ce qu'elle voulait. Avait-elle vraiment passé la nuit avec lui par plaisir ? J'en doutais. Son regard effrayé, lorsqu'on l'avait confrontée à la taverne, me revenait en mémoire. Elle n'était pas du genre à se laisser aller à des aventures sans lendemain, pas comme moi.

— Maintenant, tu n'es plus seule, lui répondis-je, ma voix plus douce. Tu es revenue me chercher pour une raison, et je suis là. Mais il faut que tu sois honnête avec moi. Si tu veux que je t'aide, on doit jouer cartes sur table. Alors, dis-moi tout sur ces fameux souverains.

Emirya détourna un instant le regard, comme pour rassembler ses pensées, puis elle se redressa légèrement.

— Rebecca sera la plus simple à convaincre. C'est ma cousine, et on s'est toujours bien entendues. Si elle nous rejoint, son amant, Gavriel, nous suivra sans hésitation. Il ne peut rien lui refuser. Depuis leur exil, ils n'ont plus eu l'occasion de se revoir, et il serait ravi de la retrouver.

— Et ils n'ont jamais trouvé quelqu'un d'autre ? demandai-je, sceptique. En tant que souverains, avoir un héritier devrait être une priorité.

— Ils sont prêts à attendre la fin des temps pour se retrouver, répondit-elle avec un sourire triste. Jamais ils ne pourront se remplacer mutuellement. C'est beau, l'amour, n'est-ce pas ?

Je haussai les épaules, un peu gêné par la tournure sentimentale de la conversation.

— Moi, je n'y connais rien. Je vis ma vie comme elle se présente. Aimer, c'est un luxe que je ne me suis jamais offert. Je préfère les nuits sans lendemain, sans attachement. C'est moins de contraintes... et moins de souffrances.

Emirya ne dit rien, mais son regard devint plus intense, comme si elle pesait mes mots. Un silence s'installa, lourd et palpable. Sentant le malaise s'installer, elle décida de changer de sujet.

Le peuple de l'air : La Princesse OubliéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant