Le peuple de l'air : La Princesse Oubliée

Chapitre 25

Le silence s'installa brièvement après que Gavriel ait pris place à la table, sa présence imposante occupant toute la pièce. L'armure dorée qu'il portait, ornée des symboles de son royaume, brillait sous la lumière des chandelles, et chaque cliquetis de métal résonnait avec une autorité silencieuse. Ses yeux, perçants comme toujours, analysaient chaque personne présente avec une froide détermination.

Je m'installai à mon tour, évitant volontairement le regard d'Emirya, toujours assise à quelques chaises de moi. Ses bras croisés, sa mâchoire crispée, tout en elle montrait sa colère contenue, un volcan sur le point d'exploser. Son visage ne trahissait aucune émotion apparente, mais je savais qu'elle bouillonnait de rage. Les querelles personnelles que nous avions, aussi intenses soient-elles, devaient aujourd'hui passer au second plan. Les enjeux de cette réunion étaient bien plus grands.

Gavriel brisa finalement le silence, sa voix grave et impérieuse se frayant un chemin dans l'atmosphère lourde.

— Nous sommes ici pour discuter de l'alliance entre le royaume des Sang Jaune et toi, Emirya, déclara-t-il, en posant ses mains gantées sur la table. Angel, cet imposteur qui t'a volé le trône, est une menace croissante, non seulement pour ton peuple, mais aussi pour le mien. Sa soif de pouvoir ne connaît aucune limite.

Le nom d'Angel provoqua une réaction immédiate chez Emirya. Ses traits se durcirent instantanément, ses yeux se rétrécirent, projetant une lueur glaciale. D'un coup, son poing s'abattit sur la table, faisant résonner un bruit sourd qui fit sursauter plusieurs d'entre nous. Angel... le cruel roi des Sang Blancs. Celui qui avait détruit tout ce qu'elle avait connu. Celui qui avait usurpé son trône, volé son royaume et plongé son peuple dans la misère et la terreur.

— Ce n'est pas seulement une question de trône pour moi, dit-elle d'une voix froide et mesurée, bien que son regard enflammé trahissait la rage qui l'habitait. Mon peuple souffre sous son règne. Chaque jour passé sous son contrôle est une journée où ils sont opprimés, où leurs vies sont brisées. Un village entier de Sang Noir a été anéanti pour avoir osé afficher sa loyauté envers moi. C'était un avertissement, pour quiconque oserait me soutenir. Mais je ne céderai pas. Angel doit être détruit, et je dois reprendre ce qui m'appartient.

Un silence tendu suivit ses paroles, chacun sentait que la situation était sur le point de basculer.

Gavriel laissa s'écouler quelques secondes avant de répondre, les yeux toujours fixés sur Emirya, avec cette intensité qui lui était propre.

— Tu auras besoin de plus que des mots pour le renverser, dit-il d'une voix ferme, mais non dénuée de respect. Tu auras besoin de forces armées, de stratégies, et surtout... d'alliés fiables.

Emirya haussa légèrement un sourcil, une lueur de défi dans le regard.

— C'est pourquoi je suis ici, répondit-elle calmement. Ma cousine Rebecca me rejoint. Quant à Amor, il a plié le genou devant moi.

Gavriel émit un léger rire, presque incrédule.

— Amor ? dit-il, les yeux pétillants de scepticisme. Amor n'est pas connu pour sa fiabilité.

— Et pourtant, répliqua Emirya avec un sourire en coin, il a plié genou devant moi.

Gavriel inclina légèrement la tête, marquant son respect pour cet accomplissement. Cependant, il reprit rapidement son sérieux.

— Mon armée est forte, disciplinée, mais nous ne pouvons pas attaquer Angel seuls, dit-il en s'appuyant sur la table. Je propose une alliance militaire complète entre ton royaume et le mien. Ensemble, nous pourrons écraser les forces d'Angel. Une fois que tu seras sur le trône, nous établirons une ère de prospérité entre nos deux nations.

Azura, qui avait jusqu'ici observé en silence, intervint alors, sa voix douce perçant le brouillard de tensions accumulées.

— C'est une alliance stratégique qui pourrait tout changer, murmura-t-elle. Mais cela signifie aussi que tu devras partager certaines responsabilités une fois que tu auras récupéré ton trône. Es-tu prête à cela, Emirya ?

Les yeux d'Emirya se rétrécirent à nouveau. Elle n'était pas du genre à accepter la moindre ingérence dans ses affaires.

— Partager des responsabilités ? répéta-t-elle d'un ton sec. Je ne compte pas laisser un autre roi dicter les lois de mon royaume. J'accepte cette alliance, Gavriel, mais ne t'attends pas à ce que je renonce à mon autorité une fois qu'Angel sera vaincu. Le trône est à moi, et à moi seule.

Un silence lourd suivit ses paroles. Gavriel, loin d'être surpris, esquissa un sourire calculateur.

— Je ne te demande pas de renoncer à ton trône, dit-il en se penchant légèrement en avant, comme pour la défier du regard. Seulement de reconnaître que nos deux royaumes seront plus forts en travaillant ensemble. Une fois Angel vaincu, je ne te réclamerai rien d'autre qu'une coopération loyale... et la main de ta cousine.

À ces mots, Emirya éclata d'un rire presque méprisant, mais amusé.

— Ça, je pense que ça ne lui posera aucun problème à t'épouser, répliqua-t-elle, son regard perçant celui de Gavriel. Vu les lettres que vous échangez déjà.

Les joues de Gavriel se teintèrent d'un léger rouge, une gêne inhabituelle traversant son visage. Il se reprit rapidement, mais le sourire moqueur d'Emirya n'était pas perdu pour lui.

— Alors c'est entendu, déclara Emirya en reprenant son sérieux. Nous scellerons cette alliance. Pour ma part, je jure que nous combattrons ensemble jusqu'à ce qu'Angel soit détruit. Et tu obtiendras ma cousine.

Gavriel se leva d'un geste brusque, tendant la main vers Emirya.

— Je jure de mettre toutes mes forces à ta disposition, Emirya, héritière des Sang Noirs et de la couronne de Sang. Ensemble, nous détruirons cet imposteur.

La poignée de main qu'ils échangèrent était ferme, solennelle, presque rituelle. Ce geste, simple en apparence, marquait le début d'une alliance qui allait changer à jamais le destin des deux royaumes.

Alors qu'ils relâchaient leur étreinte, Emirya reprit, cette fois avec une froide détermination :

— J'ai donné rendez-vous à Rebecca et à Amor à la forteresse Dragon, quand j'aurai rassemblé tout le monde.

— Je serai parmi les premiers à arriver, dit Gavriel en souriant. Je suis impatient de revoir Rebecca.

Emirya haussa un sourcil, un sourire narquois aux lèvres.

— Tiens, elle m'a dit la même chose.

Gavriel rigola doucement, mais redevint vite sérieux.

— Si je comprends bien, tu comptes voir Xénaya et Lucas après ?

Emirya hocha la tête.

— Oui, Lucas sera le plus difficile à convaincre, bien plus que toi.

Gavriel acquiesça.

— Il est têtu et borné, mais si je me souviens bien, il avait un faible pour toi... Peut-être pourrais-tu te servir de cette information.

Emirya secoua la tête, un sourire déterminé sur ses lèvres.

— Je n'aurai pas besoin de mes charmes pour convaincre Lucas, répliqua-t-elle d'une voix confiante.