Chapitre 30

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Alors que nous quittions les portes massives du palais, l'atmosphère changea immédiatement. Derrière nous, le brouhaha des soldats, le fracas des armures et le bruit des ordres hurlés semblaient déjà lointains. En dehors des murs protecteurs, c'était le vent, froid et mordant, qui dominait, sifflant à travers les montagnes environnantes. Le ciel, d'un gris lourd et menaçant, laissait présager un temps difficile pour les jours à venir. La plaine s'étendait devant nous, vaste et déserte, comme un territoire encore inconnu que nous devions conquérir.

Emirya, en tête du groupe, chevauchait avec une détermination farouche, son regard fixé sur l'horizon lointain. Elle ne jetait aucun coup d'œil en arrière, ignorait tout ce qui ne concernait pas la mission. Sa posture rigide, ses gestes précis... tout en elle montrait une concentration froide et implacable. Je savais qu'elle était parfaitement capable de mener cette campagne, mais je ne pouvais m'empêcher de sentir une barrière invisible qui continuait à nous séparer, bien au-delà du simple devoir.

Lysara chevauchait non loin de moi, légèrement en retrait, mais sa présence se faisait sentir. Elle avait cette manière discrète mais envoûtante de se mouvoir, son parfum sucré flottant toujours dans l'air, une note douce dans l'ambiance rude de la campagne. Chaque fois que nos regards se croisaient, elle maintenait le contact quelques secondes de trop, un sourire mystérieux effleurant ses lèvres. Son regard doré me sondait, cherchant à me comprendre, ou peut-être à m'ensorceler. Il y avait une tension entre nous, mais elle n'était ni hostile ni inconfortable. Au contraire, c'était une attraction douce, presque hypnotique. Et même si je me forçais à garder mon esprit concentré sur la mission, je sentais cette proximité de plus en plus troublante.

Après une heure de chevauchée silencieuse, le groupe avançait à un rythme régulier. C'est Azura, qui chevauchait près d'Emirya et de Cain, qui brisa enfin le silence pesant.

— Alors, comment comptes-tu convaincre Lucas et Xénaya ? demanda-t-elle d'un ton presque léger, contrastant avec la gravité de la situation.

Je tournai légèrement la tête, surpris par l'audace de sa question. Il n'était pas dans ses habitudes d'aborder directement des sujets aussi sensibles. Emirya, quant à elle, tourna lentement son visage vers Azura, ses traits se détendant à peine.

— Lucas est un cas délicat, répondit-elle en soupirant. Son royaume est isolé, et il se méfie de tout ce qui n'est pas issu des sangs verts. Il faudra du temps pour l'amadouer. Il sait que la menace d'Angel pourrait le concerner, mais il n'aime pas être contraint. Xénaya, en revanche, sera plus facile à rallier. Elle a une vieille rancune contre Angel, elle ne refusera jamais une occasion de le combattre.

Azura hocha la tête, ses yeux vifs scrutant Emirya avec une attention particulière.

— Et pour ce qui est de... sa fascination pour toi ? Tu comptes en jouer, comme Gavriel te l'a conseillé ?

Un sourire sans joie apparut brièvement sur les lèvres d'Emirya, mais son regard se perdit dans la plaine devant nous, détaché de la conversation.

— Lucas n'est pas stupide. S'il sent que je le manipule, il pourrait se retourner contre nous. Non, il me faudra le convaincre par d'autres moyens, plus solides. Et sinon... il reste cette ancienne promesse, même si l'idée ne m'enchante pas.

À ces mots, mes mains se crispèrent sur les rênes de mon bouc, et ma mâchoire se tendit instinctivement. L'idée que cette promesse de mariage puisse être utilisée comme levier m'était insupportable, mais je savais qu'Emirya, toujours stratégique, envisagerait cette possibilité si cela servait la cause. Pourtant, je ne pouvais pas m'empêcher de ressentir une vague de colère sourde à l'évocation de cette option.

Alors que je luttais avec mes pensées, Lysara s'approcha doucement, sa monture se rapprochant de la mienne jusqu'à ce que nos genoux se frôlent presque. Sa présence avait quelque chose d'apaisant, mais aussi de dangereusement séduisant.

— Ce Lucas... est-il vraiment si difficile à convaincre ? demanda-t-elle doucement, son regard doré se posant sur moi avec un intérêt sincère.

Je me redressai légèrement, essayant de ne pas montrer que sa proximité me troublait.

— D'après Emirya, il est complexe, répondis-je, en gardant ma voix calme. C'est un roi fier, isolé dans ses forêts, et il déteste se sentir manipulé. Et puis... il y a cette vieille promesse qui pèse entre lui et Emirya.

Lysara hocha la tête, son sourire s'agrandissant légèrement, ses lèvres dessinant une courbe énigmatique.

— Heureusement que ce n'est pas moi qui devrais le convaincre, murmura-t-elle, sa voix glissant dans l'air comme une caresse.

Je sentis mon cœur accélérer légèrement, une réaction que je m'efforçais de dissimuler. Il y avait quelque chose de profondément enivrant dans la manière dont Lysara jouait avec les mots, avec les silences. Pourtant, je savais qu'elle était une distraction que je ne pouvais me permettre. La mission nécessitait toute mon attention, et me laisser envahir par ces pensées ne ferait que compliquer les choses. Pourtant, je ne pouvais nier que sa présence était... agréable.

Emirya, qui jusque-là était restée concentrée, tourna brusquement la tête vers nous. Son regard s'attarda sur la proximité entre Lysara et moi, mais contrairement à ce que j'aurais pu craindre, elle ne montra ni jalousie ni irritation. Elle semblait simplement... distante, comme si elle avait accepté cette distance croissante entre nous deux. Un constat qui me laissa un goût amer.

Mon frère Cain, qui chevauchait à mes côtés, murmura soudainement, brisant le fil de mes pensées.

— Fais attention, tu vas t'attirer ses foudres si tu continues à flirter avec Lysara, dit-il en baissant la voix.

Je le regardai, agacé par cette remarque.

— Je ne flirte pas avec Lysara, répondis-je, sur la défensive.

Cain haussa un sourcil, sceptique.

— Peut-être pas intentionnellement, mais elle ne te laisse pas indifférent. Ça se voit. Et Emirya le remarque aussi, crois-moi. Tu devrais être prudent. Je ne fais pas confiance à cette jolie fae.

Je serrai les dents, tentant de contenir mon irritation.

— Concentrons-nous sur ce qui est important, rétorquai-je, agacé. Les sangs violets ont un accord avec les géants de pierre. Tu ferais mieux de te préparer à ça plutôt que de t'occuper de mes... relations.

Cain soupira, mais n'insista pas davantage. Nous chevauchions encore quelques instants en silence, mais je sentais toujours cette tension sous-jacente. Entre la froideur distante d'Emirya, l'attirance mystérieuse de Lysara, et les regards inquisiteurs de mon frère, il devenait de plus en plus difficile de garder mon esprit entièrement concentré sur la mission.

Le peuple de l'air : La Princesse OubliéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant