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— Laïa ! J'attends une explication !

Un sursaut me ramena brutalement à la réalité. Je relevai les yeux vers Madame Smith, prise de court.

— Excusez-moi, Madame... je ne vous ai pas entendue.

— Prenez place, s'il vous plaît.

Tremblante, je m'assis face à elle. Elle referma son dossier et plongea son regard dans le mien.

— Parlez-moi, dites-moi ce qui ne va pas.

— N... ne vous inquiétez pas, tout va bien, Madame.

— Non. Je ne vous connais pas depuis longtemps, mais je sais reconnaître quand quelque chose ne va pas. Alors, parlez.

Sa voix était posée, mais ferme. Mon cœur s'emballa. Devais-je vraiment en parler ? J'avais peur. J'avais l'impression que mettre des mots dessus rendrait tout cela encore plus réel. Mais c'était déjà réel.

Ismaëil m'a abusée. Et j'ai bien l'impression que ce n'est pas la première fois.

Les larmes brouillèrent ma vision, brûlantes, incontrôlables.

— J...m... mon petit ami... il a abusé de moi... soufflai-je, la voix brisée.

J'essuyai mes joues d'un revers tremblant de la main. Juste dire ces mots m'avait fait quelque chose d'indescriptible, comme si mon propre corps refusait de les accepter.

Madame Smith fronça les sourcils.

— Je ne comprends pas. C'était votre petit ami, non ?

— J... oui... enfin, non... nous avons rompu, et... il est venu chez moi...

Les mots restaient coincés dans ma gorge. Je n'arrivais pas à les dire, à m'exprimer. Peut-être que c'était trop tôt.

Elle soupira.

— C'est donc pour ça que vous êtes dans cet état ? Une relation sexuelle qui ne vous a pas plu ? Je vous croyais plus forte que ça, Laïa. Plus intelligente. Ce genre de situation futile ne devrait pas affecter votre travail. Vous devez arrêter de vous lamenter et vous concentrer sur votre avenir.

Je la regardai, abasourdie.

Elle avait peut-être raison.

Peut-être que je dramatisais. Peut-être qu'Ismaëil avait raison, lui aussi.

J'aurais mieux fait de me taire.

D'oublier.

Sans un mot, je me levai et quittai son bureau.

Trois mois plus tard

— Ce procès, c'était celui que tu devais perdre pour rester en vie, crois-moi, ma jolie.

L'homme en face de moi, menotté, me lançait un regard perçant tandis que les agents l'emmenaient. Condamné à vingt ans de prison, sans possibilité de remise de peine.

Mais cette phrase me laissa un goût amer.

Depuis le début de ce procès, je sentais que quelque chose clochait. Depuis que j'avais reçu le dossier Alcaraz, il y a deux mois. Au départ, ce n'étaient que de simples négociations, mais plus j'avançais, plus je réalisais que ce poisson était bien plus gros qu'il n'y paraissait.

Ce dossier était le deuxième qu'on m'avait confié. Le premier avait été mon premier vrai procès en solo, sans chaperon. Le deuxième semblait tout aussi insignifiant. Mais la famille Alcaraz... c'était un vrai nid à problèmes.

Ils me confiaient toujours d'autres affaires à régler, et plus j'en découvrais sur eux, plus je comprenais qu'ils n'étaient pas une simple famille influente.

Les cendres du diable Où les histoires vivent. Découvrez maintenant