Charles poussa doucement la porte de l'appartement de Paul. Il rentrait d'un entraînement éreintant, mais son cœur était léger.
Quelques jours plus tôt, il avait enfin eu le courage de parler de sa relation avec Paul à ses amis proches. Ce n'était pas une conversation facile, mais il se sentait libre pour la première fois. La peur de se cacher était tombée comme une chape de plomb.
Paul, quant à lui, était plus réservé, plus méfiant. Charles espérait qu'en partageant cette part de lui-même, il montrerait à Paul qu'ils pouvaient affronter le monde ensemble.
Mais en entrant dans le salon, il eut l'impression de marcher dans un cauchemar.
Paul était affalé sur le canapé, une bouteille à la main, l'air défait. Son visage, autrefois si doux, était marqué de bleus et de coupures. Une large plaie courait le long de sa pommette droite, et son œil était presque fermé par l'enflure. Des taches de sang séchaient sur son t-shirt. L'odeur âcre d'alcool flottait lourdement dans l'air.
- Paul... murmura Charles, la voix pleine d'inquiétude et de douleur. Bordel tu...qu'est ce qu'il s'est passé ? Qui c'est qui t'as fait ça ?
Paul leva les yeux vers lui, un mélange d'ivresse et de haine brillait dans son regard. Il ria, un son amer et cassé, comme si Charles venait de poser une question idiote.
- Qui tu crois ? lança-t-il en pointant la bouteille vers lui avant d'en boire une longue gorgée. Tes « amis ». Ceux à qui tu as si fièrement annoncé que tu sortais avec un mec.
Charles sentit une vague de froid traverser son corps. Il s'approcha rapidement, voulant le toucher, l'aider, mais ce dernier recula brutalement, le regard flamboyant.
- Dégage ! Me touche pas ! C'est de ta faute, tout ça !
- Quoi ? Non... Je n'aurais jamais voulu ça ! Paul, je ne savais pas... Je...
- Bien sûr que tu savais ! Tu savais comment ils sont ! Ils me détestent. Ils nous détestent ! Et toi, tu leur as tout donné sur un plateau. T'as voulu jouer au héros, à l'homme libre, à celui qui s'assume, et voilà le résultat ! Moi, défiguré, toi, intact ! Comme d'habitude, c'est moi qui prends.
Charles sentit son cœur se briser en mille morceaux à ces mots. Jamais il n'aurait imaginé que ses amis seraient capables de cette violence. Il se sentait piégé, coupable d'avoir voulu être honnête, coupable d'avoir exposé Paul à ce danger.
- Je suis désolé, je te jure que je ne savais pas... balbutia-t-il, désespéré. Je t'aime, tu crois vraiment que j'aurais voulu qu'il t'arrive ça ?
- Ferme la avec ton amour. ricana Paul en se levant maladroitement, chancelant sous l'effet de l'alcool. L'amour c'est ça ? Se faire cogner parce que t'as eu envie d'être toi-même ? De m'exhiber comme un trophée ? C'est ça que tu voulais ? Félicitations, t'as réussi.
Ses mots étaient comme des coups de poing invisibles pour Charles. Il voulait s'expliquer, lui dire qu'il n'avait jamais voulu blesser personne, encore moins lui. Mais dans l'état où était Paul, il savait que les mots n'auraient aucun impact.
Paul, en colère, se rapprocha, son visage déformé par la rage et la douleur.
- Je t'avais dit que c'était une mauvaise idée. J'ai toujours su que ça finirait mal. Et voilà où on en est. Toi et moi. Deux mecs, ensemble, et ça ne plaît pas au monde. Alors pourquoi t'as ouvert ta grande gueule, hein ? Pourquoi tu les as provoqués ?! Pourquoi t'as voulu être quelqu'un que tu n'es pas ?!
- Je voulais juste être honnête, répondit Charles dans un souffle, ses mains tremblantes, honnête avec eux. Honnête avec nous. Je voulais que tu saches que je n'avais plus peur de ce qu'on est.
