Chapitre 1 - Bieber vs Mendes

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⸞Première partie⸞

New York


- Saori, tu viens ? On va être en retard !

Elle, c'est Marla, ma meilleure amie. Elle est hyper active, un peu folle, dangereusement gothique et allergique à la gent masculine. Et je l'aime bien comme cela. Pas besoin de jouer avec son humeur, elle est unique et géniale.

Nous sommes dans le couloir du lycée et comme souvent, je suis perdue dans mes pensées.

- Oui, attends, je dépose juste deux, trois livres dans mon casier.

J'effectue mon code en tournant la petite molette et découvre des bouts de papier pliés à l'intérieur qui ont été glissés à travers les fentes d'aération. Je ne les prends pas et les lis encore moins. Je sais ce qu'ils disent... J'ai beau ne plus donner d'ordres ou siffloter à longueur de journée, pour autant cette influence que j'ai sur l'humeur de mes semblables semble me coller à la peau, sans que je ne fasse quoi que ce soit pour l'entretenir. Ce qui me rend, malgré moi, très populaire auprès de mes camarades de lycée. D'où les mots dans le casier. Bref. C'est à 12 ans que j'ai développé une toute nouvelle manière d'utiliser mon don. Une manière plus invisible et sournoise de rendre malléables les contours de ce monde que je me créais de toutes pièces. Contribuant à me rendre plus normale.

J'avais eu un méga crush pour Ryan qui était en 4e. Il était le sosie de Justin Bieber. Je passais mes journées à siffloter à tue-tête en tournant à toute vitesse autour de lui, tel un papillon amoureux d'une ampoule. Il était toujours tout sourire dans ces moments-là, m'inondant de compliments et de jolis mots. J'étais heureuse, amoureuse, mais mes ailes ont pourtant bel et bien senti l'odeur du cochon grillé.

Jusqu'à cet instant, je n'avais pas réalisé que mon don était éphémère, instantané, fabriqué. En dehors de ces moments euphoriques où je lui jouais la sérénade, Ryan ne m'appréciait pas, ne m'aimait pas. Un petit peu comme ma mère... en somme.

- Tu vas emmener ta chérie Saori au cinéma Ryan ? lui demanda un de ses amis.

- Hors de question que je lui paie des trucs à cette folle ! Elle me casse déjà les oreilles à siffler à longueur de journée comme une gogole.

Cachée derrière mon arbre, j'avais tout entendu et ramassais mon cœur qui s'effritait et s'égrainait en tas sablonneux à mes pieds. La nausée fut aussi subite que ma prise de conscience. Cinq ans après mon mutisme temporaire, le temps du sifflement était donc également révolu.

Je courus en direction des toilettes au fin fond de la cour de récréation, la main plaquée sur ma bouche. La nausée se transforma en un vomissement fulgurant, à peine eus-je franchi la porte de la première cabine de toilettes. Ma tristesse, ainsi que la trahison organisée par mon don s'évacuaient tous deux par les égouts. Oui, je me sentais flouée, trahie. Mon don m'avait aveuglée et spoliée. Il m'avait volé mon premier amour. Je le détestais...

- Saori, ça va ?

Marla était apparue à mes côtés, à genoux devant la cuvette des toilettes et ses prunelles exprimaient une inquiétude qui m'était étrangère. Je la regardais désespérée, les yeux explosés de larmes, de douleur, hurlant mon premier chagrin d'amour. Je respirais fort, faisant trembler chaque pauvre cellule qui me constituait. Mes pensées lui criaient « Prends-moi dans tes bras, serre-moi fort, je souffre ! ». Marla me pressa fort contre elle... comme j'en avais besoin... comme je le souhaitais. M'écartant, je l'ai regardée, le souffle court. Je pensais que je voulais qu'elle soit heureuse et qu'elle rie. Marla ne devait pas être abattue par ma faute. Et c'est ce qu'elle fit. Exprimant une humeur totalement déconnectée du contexte, totalement improbable. Mes tremblements cessèrent. J'étais décontenancée, perdue dans mes questionnements, noyée dans une mare d'émotions contradictoires. Ma simple respiration était-elle capable de transmettre ma volonté ?

BLOWER SOULOù les histoires vivent. Découvrez maintenant