Je pénètre dans notre appartement et l'obscurité m'accueille. Le jour déclinait au fur et mesure que nos pas nous menaient du gymnase à mon domicile. Mais une fois à la maison, les ombres m'enveloppent. D'autant que mon père est absent. L'ambiance est toujours plus sombre, lorsqu'il n'est pas là. Il est à une convention de geek. Un truc avec des mangas et œuvres japonaises.
J'actionne l'interrupteur du salon et sursaute en découvrant ma mère assise sur le canapé, son ordinateur portable fermé sur ses genoux.
Purée... elle m'a foutu la frousse !
- Je ne savais pas que tu étais rentrée, je lui dis, en guise de salutations.
Je retire mon manteau, mon écharpe et mon bonnet. Je les dispose sur une chaise proche du radiateur pour les sécher.
- L'un de mes rendez-vous de Chicago a été annulé.
J'enlève mes baskets et glisse mes pieds gelés dans des chaussons fourrés en forme de bottines.
- OK. Que faisais-tu dans le noir ?
- Que faisais-tu avec ce jeune homme ?
What ?
Je présume qu'elle parle de Jaya. Je ne sais comment elle a pu nous voir. Du 12e étage, par notre fenêtre ? Cela me paraît peu probable.
- C'est un camarade d'école. Il s'appelle Jaya.
- Connaître son nom ne me dit toujours pas ce que tu fabriquais avec lui.
Sa voix est aussi neutre qu'à son habitude, mais le fait qu'elle s'interroge sur mes fréquentations est nouveau en revanche.
Je suis tendue et mes mains deviennent moites. Ce n'est pas une forme d'inquiétude maternelle qui émane d'elle et pourtant je suis intriguée par ses questionnements. Par l'intérêt tout relatif qu'elle me porte.
- Il entraîne des enfants au basket dans le gymnase . Je lui ai donné un coup de main. C'était sympa de...
- Tu dois faire attention aux garçons, Saori.
Je déteste lorsqu'elle me coupe la parole. Cela renforce cet air supérieur qu'elle se donne. Cette distance qu'elle nous impose à mon père et à moi.
- Il est peut-être un peu tard pour me parler de sexualité, maman. J'ai une réserve de préservatifs que papa m'a achetée il y a un petit moment déjà.
Et il n'en manque aucun.
- Je me doute que ton père a fait ce qu'il fallait.
Je m'attends à entendre une pointe de reproche dans sa voix vis-à-vis de mon paternel. Mais non. Elle se frotte les mains au-dessus de son ordinateur. Est-elle anxieuse ? Ce serait carrément inédit, ça.
- Donc où est le problème ? je la questionne.
- Fais attention à toi, c'est tout.
Elle soulève l'écran de son ordinateur et clôt la conversation. Son visage lisse, magnifique, digne d'une poupée de porcelaine, ne m'est plus disponible. Ses cheveux de jais, raides comme du bambou, brillent de reflets émanant de la lumière de son écran. Il ne fait aucun doute que ma mère possède des origines asiatiques. Mais elle les nie. Justifiant ne pas connaître son père. Pourquoi être dans le déni de son histoire lorsqu'elle est inscrite si visiblement sur soi ?
Notre discussion n'a pas duré suffisamment longtemps pour que je m'approche d'elle. Et pourtant, je ne veux pas qu'elle s'arrête. Je suis toujours à côté du radiateur et continue de l'observer. Je tente de percer le mystère qu'elle représente pour moi. De trouver ces petits signes, ce petit rien dans sa voix, ce mouvement infime dans ses gestes qui me font dire que ce moment était important. Spécial. L'émotion me submerge et cela aussi est nouveau. Car je me rêve en une fille comme les autres. Avec une mère qui aimerait me protéger des affres de la vie, avec une meilleure amie qui ne serait pas si possessive, un petit copain dont je me laisserais approcher. Mais je suis à côté du radiateur et ma mère m'ignore. Le bruit de ses ongles sur les touches de l'ordinateur me fusille à petit feu.
- Bonne soirée, maman.
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BLOWER SOUL
RomanceJe suis Saori, j'ai 17 ans, je suis new-yorkaise, star de la danse sur Tiktok et... je vous manipulerai pour assouvir tous mes désirs. Je saurai vous rendre accro et docile, comme vous faire pleurer tel un bébé arraché trop tôt au sein de sa mère. ...