BLOWER SOUL

Chapitre 31 - Un mensonge qui ne peut plus être corrigé

Moi : Es-tu prête ?

Pas de réponse.

Moi : Tu as enfilé ta robe ?

Toujours rien.

Moi : Tu as choisi quel vernis ?

M : Laisse-moi tranquille !

Moi : Tu es coiffée ? Envoie-moi une photo.

M : Tu peux crever la bouche ouverte !

Dire que Marla est fâchée est un euphémisme. Et moi, je me marre toute seule en lisant sa dernière réponse. J'ai refusé qu'elle vienne se préparer à la maison avec moi avant le bal. Jaya doit passer me chercher et ce serait juste trop bizarre qu'elle soit présente pour ce moment. Elle ne voyait pas le problème... le sentiment de tenir la chandelle lui est inconnu. Je ne lui en veux pas d'être en colère après moi. C'est bien moi qui l'ai placée dans ce trio dont elle semble incapable de s'émanciper.

Assise devant ma coiffeuse, mon reflet me renvoie une image qui ne me satisfait pas. Je me trouve trop maquillée, ayant envie de tout enlever et l'instant d'après je suis trop pâle, tentée de reprendre le pinceau à blush. Je n'en peux plus de l'attendre, il en va de ma santé mentale.

Ma mère toque à la porte de ma chambre.

Oui, je sais que c'est toi. Je prends une profonde inspiration avant de la relâcher.

- Entre !

La poignée s'abaisse lentement, tel un compte à rebours. La couleur pistache de sa petite robe légère est ce que je vois en premier. Chaque jour, chaque seconde, elle me surprend. Cette robe la ferait presque paraître normale. Elle a enfin compris qu'elle pouvait laisser tomber les tailleurs stricts dans l'intimité familiale. Que nous n'avons aucunement besoin d'une avocate à la table du petit déjeuner.

Elle s'avance lentement, se positionnant derrière moi et nous nous observons mutuellement à travers le miroir. Elle est pieds nus, me dépassant d'une simple tête alors que je suis assise devant elle. Elle place ses mains sur mes épaules dénudées, tout en évitant mes boucles brunes que j'ai formées à l'aide du fer à friser. Excepté mes yeux gris, je ressemble beaucoup à maman. Cela est d'autant plus évident avec nos visages qui n'ont jamais été aussi proches et ce maquillage qui me fait paraître plus âgée. Pour la première fois, un sentiment d'appartenance me lie à elle. Cette reconnaissance des vôtres, du clan. Elle a enfin fait le pas qu'il fallait pour nous rejoindre, papa et moi. Tout comme j'ai fait entrer Jaya dans la relation exclusive que j'entretenais avec Marla.

Ma mère ne dit rien. Bien sûr, elle sait ménager le suspense. Va-t-elle me souhaiter une bonne soirée ou me la gâcher ? La crainte et le doute ne sont jamais enfouis bien loin.

- Tu es sublime Saori.

Elle s'exprime lentement, pesant ses mots.

- Merci.

De longues secondes s'écoulent dans un silence où nos regards aimeraient pouvoir se dire toutes ces choses sans se parler. Mais nous n'avons jamais su faire cela, car ça ne s'apprend pas. L'intimité, l'amour, l'attachement, voici ce qui crée cette magie. Et nous avons tant de choses à construire. Ma mère ouvre néanmoins les lèvres, prête à reprendre la parole.

- Je crois que Jaya t'aura fait autant de bien qu'à moi.

Je penche la tête sur le côté et plisse les yeux, ne comprenant absolument rien aux mots qui se sont échappés de ses lèvres.

- Il est comme toi, c'est ça ? Spécial ?

Mon palpitant s'emballe.

Est-ce bien ce que je crois ?