BLOWER SOUL

Chapitre 35 - Nouvelle famille

Saori

Certains enfants se mettent à crier à leur tour, effrayés et sortent en courant de la salle de classe. L'homme qui semble être le professeur est paniqué et actionne un bouton rouge situé sous son bureau. En quelques secondes, nous ne sommes plus que cinq dans la pièce. Le seul adulte présent se colle tellement au mur, qu'il s'y fond totalement.

Génial...

Je suis cernée. Aux côtés de Jaya se tiennent deux ados et une petite fille. Ils semblent prêts à se jeter sur moi et la grande blonde est la plus impressionnante.

Jaya se saisit de mon poignet. Son contact attire mon attention. J'observe sa main immense, les veines saillantes sous l'épiderme et tous les souvenirs qui vont avec. Jaya jouant au basket, sa main devant mon oreille, ses doigts pressant mes hanches. Je ferme les yeux un instant, savourant ce frisson que je recherche désespérément depuis des mois.

Sa poigne se fait plus mordante et devient douloureuse. Comme un rappel des raisons de ma présence aujourd'hui. Il t'a abandonnée, bordel ! Et pour cette bande de guignols certains de leur suprématie...

Je le regarde à nouveau, le besoin de vengeance brûlant dans mes veines à mesure que je l'observe. S'il croit qu'il va pouvoir vivre sa vie tranquille, après avoir foutu le bordel dans la mienne... Il pense devenir un manipulateur professionnel, côtoyant les plus grands ? Le plus VIP des menteurs ? Je vais me faire un plaisir de détruire sa vie et son avenir.

- Vous vous connaissez tous les deux ? demande un garçon noir situé à ma droite.

Il est plus petit en taille que Jaya et semble très intéressé par la situation.

Jaya l'ignore et tire violemment sur mon poignet, me rapprochant de lui.

- Tu vas demander au docteur Willis de te renvoyer chez toi. Que t'as changé d'avis. Est-ce que tu m'as bien compris ?

- Va te faire foutre.

Contrairement à lui, je n'ai pas crié une seule fois depuis nos retrouvailles. Mon cœur ne pleure plus, ne hurle plus, il sait ce qu'il a à faire.

- Je suis là pour toi beau gosse et toi, tu voudrais que je parte ? je poursuis.

Je tente de me remémorer comment c'était de sourire avec lui et abandonne, pour afficher un rictus mauvais. Je vois le choc reprendre possession de son corps. La bouche ouverte et mon poignet toujours dans sa main, il analyse mes paroles. S'il cherche à me déstabiliser, je vais lui montrer que je peux être très bonne à ce jeu également.

Mais des bras épais et tatoués viennent enserrer la taille de Jaya par-derrière. Un homme l'éloigne de moi. Jaya grogne, se tortille et finit par libérer mon poignet.

- Putain ! Lâche-moi, connard !

Le soignant lui murmure des mots à l'oreille, mais Jaya lutte de plus belle, sans jamais me quitter du regard. Ses yeux sont fous, méconnaissables. Je penche la tête sur le côté et l'observe attentivement se débattre tel un animal sauvage. Tu as changé, Jaya ? Tant mieux, moi aussi.

- Matt, allez le soigner. Et ensuite, vous nous rejoindrez dans mon bureau.

Les ordres du docteur Willis fusent, mais toujours avec cette intonation douce et mesurée que je lui connais depuis mes deux semaines au Centre. Alors que je ne l'avais pas vu arriver, le médecin s'approche de moi et pose une main douce sur ma joue. Jaya perçoit son geste et balance violemment les pieds en avant, ne touchant plus terre pour se défaire de celui qui le ceinture.

- Putain, je vais vous buter, Willis ! Vous m'entendez espèce de raclure !

Les mots de Jaya couplés à la douceur de l'étreinte que m'offre désormais Mr Willis me donnent la nausée. Le médecin me presse contre son torse, sa chemise pue l'antiseptique. Je me laisse faire pour donner le change car je me fous totalement de ses histoires de famille, alors que j'ai éprouvé tant de douleur à quitter la mienne.