BLOWER SOUL

Chapitre 20 - Lost mother... again

- Tu es bien matinale, Sunshine !

Mon père prend son petit-déjeuner dans le salon, alors qu'il m'aperçoit descendre les escaliers de notre duplex. La pièce embaume les effluves de café. J'associe toujours cet arôme à mon paternel. Ce qui explique peut-être ma curieuse addiction à cette odeur, alors que j'exècre par ailleurs le goût du café.

Il est attablé face à l'escalier, un mug de café et deux tartines au beurre de cacahuète devant lui. La télévision au fond de la pièce, délimitée par deux canapés, diffuse en silencieux une chaîne d'informations en continu.

- Bonjour, papa.

Je traîne mes pieds emprisonnés dans des chaussons fourrés en forme de licorne et enroule mes bras autour des épaules de mon père, lorsque j'arrive près de lui. Je pose ma tempe sur le haut de son crâne légèrement dégarni et baille de tout mon saoul.

- Et bien ! Tu dois avoir une sacrée bonne raison de te lever, si j'en crois ton décrochement de mâchoire.

- Jaya passe me chercher à 10 heures. Je risque de ne pas rentrer de la journée, j'explique, ma tête toujours collée à celle de mon père.

Je tente de chiper l'une de ses tartines, tout en conservant notre posture de jumeaux siamois, mais une tape sur ma main finit par totalement me réveiller.

- Prépare ton propre petit-déjeuner, Saori ! intervient ma mère, dont la présence dans notre appartement ce matin est aussi surprenante qu'imprévue.

- Ne devrais-tu pas être à Boston ? je la questionne, sans même la regarder.

Bah, quoi ? Elle m'a dit bonjour, elle ?

- J'ai annulé mon voyage, me répond-elle, comme si ceci expliquait cela.

J'ai remarqué que ma mère était plus souvent à la maison. Des soi-disant rendez-vous repoussés, des avions annulés. Elle nous prend vraiment pour des idiots... Mais loin de moi l'idée de la questionner, car il y a peu de chance que ses raisons soient liées à un souhait de travailler moins de cinquante heures par semaine. Et je ne suis pas pressée de connaître le motif de ce changement de comportement chez elle.

- Je l'aime bien ce garçon, déclare mon père en parlant de Jaya.

Ma mère nous contourne et s'installe à table à son tour, un verre de jus de kiwi dans une main et un bol de granola dans l'autre. Pas de téléphone portable, ni d'ordinateur, encore moins d'agenda électronique à ses côtés.

Je suis entrée dans une dimension parallèle ce matin.

Je fais une seconde tentative de vol de tartine et m'assois cette fois-ci sur les genoux de mon père pour optimiser mes chances.

- Depuis le temps que j'entends ton père parler de ce jeune homme, j'ai hâte de faire sa connaissance.

Hein ? Elle est en surcharge mentale ou quoi ? Le pain m'échappe et s'échoue face tartinée contre la nappe. Grrrrrrr... Ma mère et la gravité se liguent pour me mettre au régime !

Je délaisse mon père et pars dans la cuisine pour récupérer de quoi nettoyer mes bêtises. Armée de mon éponge, je constate à mon retour que mon père ingurgite la tartine défigurée. Pas grave... je n'ai de toute façon plus faim. Je frotte la nappe pour récupérer l'excédent de graisse et de sucre, avant d'aller rincer mon éponge.

- Tu ne manges pas, Saori ? essaie de me retenir mon père, lorsqu'il constate que je remonte en direction de ma chambre.

- Non, ça ira, merci, je grommelle.