Chapitre 27 - Un pique-nique en plein cagnard

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- Ça ne t'inquiète pas que Marla ne soit pas encore arrivée ? me demande Jaya.

Étant donné que je suis quasiment allongée sur lui et que lui-même est assis dans mon dos... non. Je place des Curly entre ses lèvres à rythme régulier. Notre table de pique-nique est témoin d'un déjeuner des plus sensuels. Et je ne regrette nullement que Marla ne soit encore venue mettre un terme à tout cela.

- Sa répétition a dû s'éterniser, c'est tout.

- Tu veux quoi ? me demande-t-il, en fouillant dans les boîtes et sachets éparpillés sur la table en bois.

Toi... tu es si appétissant.

- Sao...

- Oui ?

- Arrête de me regarder comme ça.

- Comme quoi ?

- Comme une diabétique.

Le rire qui s'échappe de mes lèvres n'est pas vraiment sexy, ressemblant à celui d'un gosse pris les doigts dans le pot de confiture.

- Salut les gars ! Y a quoi à grailler ?

Marla se pose en face de nous sur le banc comme si son corps pesait une tonne. Elle est épuisée et chargée comme un mulet avec ses deux gros sacs passés en bandoulière autour de ses épaules.

Je me relève pour lui servir à boire et rapprocher d'elle le sandwich au thon que je lui ai pris.

- Tu vas bien ma puce ? Tu as l'air exténuée.

- Bof ! Ça pourrait aller mieux. Ça va, Jaya ?

- Tranquille et toi ?

- Mouais... En réalité, on a pris du retard. En me faisant signer pour ce vidéoclip, ils ont juste zappé que j'étais inexpérimentée. Donc, ils sont obligés de tout m'expliquer et ça agace la chorégraphe. Sûr qu'elle ne m'aurait pas choisie, elle, rigole Marla en fourrant quelques chips dans sa bouche.

- Oh oh... Tu as une nouvelle amie ? je lui demande.

- C'est une vraie conne, imbue de sa personne. Elle a les boules parce que je danse à l'instinct et non formatée par des cours à deux cents dollars de l'heure.

- Qu'est-ce que ça change tant que tu danses bien ?

- Me diriger lui prend plus de temps. Elle ne peut pas juste me dire fait « ci ou ça » avec des noms de figures puisque je ne les connais pas. La pirouette passe encore, mais pour le reste... Elle est obligée de tout me montrer avant. Et leurs histoires de temps ! J'ai juste envie de l'étrangler dès qu'elle se met à compter et claquer des doigts simultanément !

Marla est rouge de colère et mime un cou entre ses mains qu'elle s'emploie à écrabouiller.

- J'espère que tu ne l'as pas envoyé chier ? je m'inquiète.

- Non. Yan accapare trop bien mon attention pour ça, dit-elle avec un petit sourire coquin aux lèvres.

- Purée... même son prénom est sexy, j'en rajoute une couche sans vraiment le vouloir.

Jaya se racle la gorge à mes côtés à la mention du magnifique partenaire de danse de Marla. Je m'installe à nouveau entre ses jambes, constatant que Marla a tout ce qu'il lui faut à portée de main. Avant de m'adosser à son torse ferme, je me rapproche de l'oreille de mon chuchoteur.

- Mon diabète est si bas qu'il me fait dire n'importe quoi, je lui confie tout doucement, sans omettre de prendre une voix sexy.

Je sens sa poitrine vibrer de son hilarité lorsque je repose ma tête sur cette dernière. Telle une caisse de résonance, elle m'envoie des ondes délicieuses et je m'en délecte.

- Vous avez vos robes pour le bal, les filles ? nous questionne Jaya.

- Je ne pense pas y aller, répond Marla.

- Quoi ? Mais tu ne peux pas me faire ça ? je m'insurge. On a toujours dit qu'on irait ensemble !

- Sauf que tu y vas avec Peter Pan ! Non, plus sérieusement, j'ai peur d'y être harcelée. Depuis, notre dernier show, c'est juste de la folie.

Merde ! Je n'avais pas pensé à ça...

Je reconnais avoir eu un peu de répit depuis le succès fulgurant de Marla, mais cela n'empêche que le bal va tourner à l'horreur avec tous ces élèves réunis au même endroit.

Je penche la tête en arrière pour capter le regard de mon chuchoteur. Le mien doit être désespéré, si j'en crois le baiser qu'il appose sur mon front.

- Je pourrais mener une campagne afin de dégrader votre image. Vous savez, pour vous rendre un peu moins « populaires », mime-t-il avec les doigts.

- Comment ça ? lui demande Marla les sourcils froncés.

- Je pourrais raconter à tout le lycée que Saori a les pieds crochus et que toi, Marla, tu es sujette aux herpès vaginaux.

- Forcément, c'est moi qui ai l'hygiène intime douteuse ! ronchonne-t-elle.

Jaya écarte les bras d'impuissance à son intention, tout en nous désignant lui et moi.

- Hors de question que l'on croit que j'ai des MST, désolé, lui rétorque-t-il.

Je rougis sous son commentaire qui se voulait drôle, mais qui me donne juste très chaud. Puis, je prends conscience que cela pourrait fonctionner pour Marla, mais me concernant, aucune chance. Mon don passif ne peut pas être si facilement contourné.

- Ce ne sera pas suffisant pour les tenir à distance, je soupire. Ça marchera peut-être sur les gars et encore...

Jaya se penche au-dessus de moi et je perçois le clin d'œil qu'il m'adresse et qui semble dire « je gère ».

Mais non... il n'a pas l'intention de....

Je me redresse rapidement et dissimule à Marla mes lèvres avec ma paume, pendant que je chuchote à Jaya.

- Tu ne peux pas manipuler tous les élèves du lycée avec ton chuchotement, c'est mal !

Marla ne fait même plus attention à nos messes basses. Elle a accepté avec le temps que Jaya et moi ayons notre petit jardin secret. Et elle reprend la discussion comme si de rien n'était.

- Moi, je pense que c'est une bonne idée, déclare-t-elle finalement. Je suis même jalouse que cette trouvaille ne vienne pas de moi. C'est diablement machiavélique ! dit-elle en se frottant les mains.

Pendant que Marla se réjouit de ces mensonges qui vont être distillés, le souffle chaud de Jaya caresse ma nuque. Il s'est rapproché à son tour de mon oreille et place une paume devant celle-ci.

- Es-tu certaine de vouloir m'en dissuader, Saori ? chuchote-t-il envoûtant. Réfléchis bien... Pas de bal, pas de chambre d'hôtel où finir la nuit. Et j'ai visité les chambres du Carlyle, elles sont particulièrement luxueuses, confortables, insonorisées et...

Je fuis ses lèvres indécentes et ses mots qui me promettent tant de choses, avant de devenir incontrôlable et de me jeter sur lui pour déchirer avec mes dents son tee-shirt et son jean.

- C'est d'accord, je déclare à mes amis d'une voix légèrement aiguë.

Je sens Jaya rire de nouveau contre moi et observe Marla m'adresser un sourire énigmatique.

Jaya se rapproche à nouveau et alors que je crois qu'il va m'embrasser, il chuchote à nouveau.

- Tu es si facilement corruptible, ma belle postillonneuse.

C'est bien ce que je me dis aussi.


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