Chapitre 21 - Le linge sale se lave en famille

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La porte et les fenêtres de Fashionwork sont grandes ouvertes sur la rue. Le printemps s'invite ici aussi. D'ailleurs, les odeurs de détergent sont fortes depuis l'extérieur. Il arrive parfois que nous retrouvions des inconnus munis de leur sac de linges sales déambuler dans les locaux, pensant se trouver dans une laverie. Au départ, cela nous faisait rire, maintenant nous y sommes habitués. Mais aujourd'hui, c'est plutôt l'odeur de tabac qui nous accueille. Et le jeune homme qui en est responsable est loin d'être un inconnu.

- Yo ! Saori ! Comment ça va ? T'es trop canon, baby, avec ce pull !

Jaya se tend à mes côtés et je comprends que les mots du garçon ne sont pas à son goût. Il se colle à mon flanc et passe son bras autour de mes épaules dans une langueur qui tente de passer un message au gars qui nous fait face. D'accord... Faut-il que je surveille sa braguette pour voir s'il ne lui prend pas l'envie d'uriner autour de ma personne ?

Je tente d'accrocher mon regard à celui de monsieur le possessif, tout en lui adressant un sourire, lui montrant que je ne suis pas dupe de son manège. Mais il est bien trop occupé à défier son rival des yeux pour se préoccuper de ma réaction. Je ramène donc mon attention sur le jeune fumeur.

- Merci pour le compliment, Jackson. Tu vas bien ?

À l'évocation du prénom de mon collègue, je sens la tension retomber quelque peu entre les deux hommes, mais le bras de Jaya ne quitte pas mes épaules pour autant. Jaya est bien plus jeune que Jackson qui a 21 ans, mais entre l'immaturité de ce dernier et sa carrure fluette, on ne le devinerait absolument pas.

- Ouais, bien ! J'ai pris une pause pour échapper à Joey. Ça fait une heure qu'il me fait trier les chaussettes par couleur et par taille. C'est Stallone le mec, j'vous jure !

Humm... Joey serait donc Stallone car il a des biceps surdéveloppés à force de farfouiller dans les chaussettes ? Moi, pas comprendre... Je penche la tête sur le côté, tentant d'analyser la comparaison entre Joey et l'acteur bodybuildé. Puis me tournant vers Jaya pour l'interroger du regard, je constate que sa tête est également penchée d'incompréhension. Il est trop mignon comme ça... Purée ! Ne me dites pas que c'est un gloussement que je viens de lâcher ?

- Tu parles bien de Sylvester Stallone, l'acteur de Rambo et Rocky ? lui demande Jaya intrigué.

- Dude, t'es à l'Ouest ! Joey, il est comme l'autre dictateur là, de la Russie.

Il nous faut quelques secondes pour décrypter l'énigme de Jackson qui est particulièrement tordue cette fois-ci, je le concède.

- Staline ! nous annonçons d'une même voix avec Jaya, comme si nous participions à un jeu télévisé.

Il faut dire que Jackson est vraiment un logogriphe du quotidien. À petite dose, il me fait marrer, mais au bout de deux jours, j'ai juste envie de le noyer dans le tambour de l'une des machines à laver.

Je m'approche de Jackson et lui serre amicalement l'épaule.

- Tu sais ce qu'il te reste à faire pour échapper à Joey ? Arrêter tes conneries ! je lui conseille avec un petit sourire.

- Ces étagères, c'était de la daube, se défend-il, sur un ton plus bas et fautif que ce qu'il voudrait me laisser croire.

Il enchaîne les gaffes avec tant de rapidité que nous l'avons d'ailleurs rebaptisé récemment Calamity Jacks.

- En théorie, si l'on ne grimpe pas dessus, ça ne s'écroule pas, Jackson... je lui renvoie, avec une forme de bienveillance que je ne peux m'empêcher de revêtir à son égard.

BLOWER SOULOù les histoires vivent. Découvrez maintenant