BLOWER SOUL

Chapitre 8 - Promenons-nous dans New York

Nous avons pris la petite voiture à l'effigie de l'association, pour nous rendre dans la banlieue huppée de New York. C'est un peu mon terrain de chasse pour chiner de nouveaux vêtements. Plus le vêtement a de la valeur, meilleur sera le prix de revente et les bénéfices pour fashionwork.

Je m'arrête sur le bas-côté d'un quartier cossu, où les maisons sont toutes hors de prix. Où les colonnades et pelouses vertes se font concurrence. Toutefois, la majorité présente des jardins ouverts sur la rue, nous permettant aisément de solliciter ses habitants. Les résidents du quartier me connaissent et savent que je passe une fois par mois. Chaque collecteur de vêtements tente de demeurer sur un même secteur pour fidéliser les habitants à notre cause.

- Et bien, on ne se refuse rien, me balance Jaya, alors qu'il baisse la tête pour admirer les magnifiques demeures à travers le pare-brise de la voiture.

- Je vais chercher la marchandise là où elle est à profusion et ne manquera à personne. Et effectivement, ce n'est pas désagréable de déambuler entre ces beautés.

Je descends du véhicule et Jaya m'imite de son côté. Je me dirige vers le coffre à l'arrière pour m'emparer d'un panier rigide sur roulette que je peux tirer avec un manche télescopique. Je me hisse sur la pointe des pieds pour refermer le coffre, alors que la main de Jaya se pose sur la mienne qui tient le caddie.

- Je te le prends.

Une douce chaleur m'irradie de nouveau.

Est-ce dû à sa main chaude sur la mienne frigorifiée ? J'observe Jaya, à nouveau déstabilisée par cette main qui ne cesse de me troubler. Mais ce dernier s'est déjà écarté avec la boîte sur roulettes, tourné vers les habitations comme s'il hésitait entre celles à visiter en premier.

Mon cou me démange. Je gratte la peau fine et découvre que j'ai oublié mon écharpe chez Fashionwork. Il n'y a pas que mes mains qui vont souffrir ce soir.

- Viens, nous allons commencer de ce côté, j'informe Jaya en le dépassant pour me diriger vers la droite, remontant le trottoir.

Il me rattrape aisément avec ses jambes élancées et les roues du caddie qu'il traîne derrière hurlent à mes oreilles. Pourtant, rien de nouveau, c'est le même caddie que j'utilise chaque mois. Je me remets à examiner Jaya, comme si sa présence devenait brusquement surnaturelle et dérangeante. Il y a un truc qui a changé entre nous, je le sens...

- Qu'est-ce qu'il y a ? me demande-t-il sans me regarder. As-tu soudainement envie de discuter ?

Il est vrai que je n'ai pas été très aimable depuis que nous avons quitté mon appartement. Et ce, sans raison particulière.

- Si les sujets ne sont pas Marla et ma vie sexuelle, ça se peut bien.

Ses lèvres s'étirent. Je ne sais si ma réponse l'amuse ou si cela est dû au soleil couchant qui l'aveugle et lui fait plisser les yeux. Je n'arrive pas non plus à me détacher de son profil. Il me paraît différent ce soir. Comme déterminé. Mais à faire quoi ? Je me le demande.

- De toute façon, j'ai déjà obtenu ma réponse.

Qu'est-ce qu'il raconte encore...

- Tu m'expliques ta fameuse théorie sur ta popularité ? enchaîne-t-il.

Je ne suis pas dupe de son évitement pour m'empêcher de réagir à sa dernière remarque. Mais pour une fois, j'ai bien envie de jouer la fille naïve et sourde de surcroît.

- Contrairement à toi qui chuchote tes ordres, il me suffit de souffler sur leur peau pour faire des hommes mes pantins.

- Comment formules-tu tes souhaits ?