Chapitre 24 - Telle est surprise qui croyait surprendre

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Nos sacs de courses continuent de nous suivre dans nos pérégrinations et je commence à regretter de n'avoir pas emprunté la caisse à roulettes de Fashionwork.

Lorsque nous passons à proximité de Lincoln Park, j'ai l'espoir de monter chez Jaya pour y déposer notre butin alimentaire. Et peut-être aussi en découvrir un peu plus sur lui et son intimité. Mais Jaya ne ralentit pas et file en direction de Central Park. Je peux comprendre qu'il ne soit pas pressé de me faire découvrir le domicile de ses parents. Ils sont un vrai tabou entre nous. Depuis sa révélation à la bibliothèque, j'ai tenu parole et je n'ai pas tenté de le faire parler à nouveau. J'aimerais qu'il brise cet obstacle, qu'il accepte de revenir sur cet épisode difficile de sa vie. Malgré ses dires, je sens qu'il est dans le déni. Son humeur solaire, taquine et enjouée, ne me leurre pas. Et cette ombre en lui qui refuse de se montrer me terrorise.

Je passe l'un des sacs par-dessus mon épaule pour atténuer son poids sur mes doigts. Je ne pose toujours pas de questions sur notre prochaine destination. J'ai l'impression de récolter les pièces d'un puzzle géant. Des pièces que je reconnais individuellement, mais je suis incapable d'assembler.

— Donne-moi le plus lourd, me dit Jaya, en faisant un signe de tête vers le sac en plastique juché sur mon épaule.

Il s'arrête et piétine quelque peu pour trouver son équilibre, afin de poser ses propres sacs au sol.

— Tu en as déjà trois, Jaya. Ça va aller.

Il m'ignore et effleure mes doigts pour se saisir du sac. Parle à mon cul, ma tête est remplie de testostérone de chuchoteur... Voici ce que je m'imagine entendre s'échapper de ses lèvres, alors qu'il répartit les sacs pour en avoir deux à chaque main.

Il m'expose son magnifique postérieur lorsqu'il reprend sa route. Son pantalon Chino gris souris se balance devant moi. Il me nargue de toute sa splendeur musclée, alors qu'un peu plus haut plisse l'un de ses hoodies qui ont déjà fait leur preuve sur ma pauvre âme esseulée.

Beaucoup plus légère désormais, je cours pour le rattraper.

— Attends-moi, Jaya !

— Tu es dans la lune. Dépêche-toi, nous avons un planning serré, me dit-il sans me regarder, mais sans se départir de ce sourire dont il a le secret.

À quel moment ce sourire quitte-t-il ses lèvres ? Bien sûr que tu le sais... la seule fois où son ombre a cessé de se planquer. « Tout le monde n'a pas un super papa qui vous hisse au rang de déesse ». Des frissons remontent le long de mon échine.

Je n'ai aucun souvenir des derniers kilomètres que nous avons parcourus et je suis désorientée de me retrouver devant le gymnase Lifestart.

« Tu es dans la lune ».

— Mais c'est vrai que tu as ton entraînement avec les enfants, aujourd'hui ! je me remémore enfin.

— Inexacte, madame je sais-tout, me répond-il, en ouvrant la porte vitrée du bâtiment sportif.

Nous pénétrons dans l'enceinte du complexe et le vacarme des ballons sur le lino nous enveloppe déjà.

— Vais-je devoir te supplier de m'en dire plus ?

Il s'arrête brusquement et effectue un demi-tour pour me faire face. Il pose les commissions au sol, se penche légèrement en avant, plantant ses prunelles dans les miennes.

— Je prévois de te ramener à l'infirmerie pour finir ce que nous avons laissé en suspens la dernière fois.

Oh my god...

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