- Brooklyn ? Elle est à Brooklyn ? je hurle sur Megan en donnant un coup de pied dans le bar de la cuisine. Qu'est-ce qu'elle fout là-bas ?
- Maddie ne voulait plus être ici, elle répond simplement en sirotant une limonade.
- Putain, arrête de faire ton numéro à deux balles, je réplique. Comment tu fais pour rester calme ? Elle est à Brooklyn, bordel !
- Je sais où elle est. Elle est chez son père, et elle est en sécurité. Elle a besoin de...
- T'avise pas de me dire qu'elle a besoin de se calmer, pigé ? C'est ce que tu m'as dit hier soir et aujourd'hui elle est plus là ! Si tu m'avais laissé lui courir après...
- Tu aurais fait quelque chose de stupide, comme par exemple la plaquer contre le mur pour la forcer à t'écouter, dit Megan avec un regard entendu.
- Eh ben, je dis, mal à l'aise, oui, peut-être bien...
- Merci.
- Mais c'est pas le problème, je proteste. Le problème, c'est qu'elle est à Brooklyn alors que je suis coincé en Californie ! Comment tu veux que je lui dise la vérité après ça ?
- Et quelle vérité ?
- Tu le sais, Megan. Me traite pas comme un crétin.
- Tu sais quoi, Jay ? (Son regard est glacial.) Non, je ne sais pas, parce que tu n'as jamais été sincère quand tu me disais ce que t'éprouvais pour elle. Tu m'as servi des conneries, et maintenant ? Je ne sais toujours pas. Je crois ce que je vois, pas forcément ce qui est.Je soupire et me laisse tomber sur le tabouret à côté d'elle. Je pose les coudes sur le bar et me prends la tête entre les mains.
- Je l'aime. Je suis amoureux d'elle.
Megan finit bruyamment sa limonade avec sa paille. Elle se lève, pose une main sur mon épaule et se penche vers moi.
- Alors quand elle reviendra, t'as intérêt à trouver un sacré bon moyen de lui faire comprendre.
Elle dépose un baiser sur ma tête et s'éloigne. La porte d'entrée se referme, et vu l'heure matinale, je suis le seul debout.
Je suis aussi le seul à ne pas avoir dormi de la nuit.
Je me frotte les yeux et regarde l'horloge. Neuf heures. Aucun intérêt à aller me coucher maintenant, alors je me lève et allume la machine à café.
- Y a assez de place pour deux ici ?
Je me raidis.
- Ça dépend. Y a de la place pour deux dans ta voiture ?
- Alors comme ça, t'es au courant.
- Pas besoin d'être un foutu génie pour comprendre, Kyle. Maddie est à Brooklyn et t'es parti en voiture cinq minutes après qu'elle ait quitté la résidence hier soir. Tu l'as emmenée à l'aéroport.
- C'est elle qui me l'a demandé.
- J'en ai rien à foutre. (Je me tourne pour le regarder. Il recule.) Je me fous de savoir qu'elle est allée là-bas, et comment. Tout ce qui m'intéresse, c'est qu'elle est là-bas et pas ici où elle devrait être, bordel. Elle déteste cette ville, alors c'est qu'elle doit vraiment me détester pour avoir préféré être là-bas plutôt qu'ici.Je me retourne pour déposer brutalement deux tasses sur le comptoir. Je les remplis de café et en glisse une vers Kyle.
- Eh ben, merde alors, il dit en prenant la tasse.
- Quoi ?
- J'aurais jamais cru voir un jour Justin Bieber se soucier d'une fille plus que de ce qu'elle a sous la ceinture.Je repose ma tasse.
- T'as l'air surpris.
- Je suis surpris de ton intérêt. Est-ce que je suis surpris que ce soit à Maddie que tu portes de l'intérêt ? (Je le regarde et il secoue la tête.) Nan, mec. Pas du tout. Même si ça me plaît pas, vous êtes bien ensemble.Je ricane.
- Manque plus qu'à la convaincre elle, maintenant, hein ? Parce que c'est pas une putain de promenade de santé.
- T'étais pas le seul à jouer un jeu, Justin, dit Kyle en se relevant. Vous vous êtes tous les deux mis en tête de piéger l'autre, et vous l'avez fait. T'as pas voulu l'écouter quand t'as tout dé- couvert, et maintenant c'est elle qui veut pas t'écouter. Je dirais que vous êtes sur un pied d'égalité.Il hausse un sourcil et passe à côté de moi en me déposant une claque sur l'épaule.
Un pied d'égalité.
- Hé, Kyle, je lance en me retournant. Merci, mec.
Il me fait un signe et disparaît.
Un pied d'égalité. Nouvelle partie. Sauf que cette fois, l'enjeu est nettement plus élevé.
Parce que c'est deux cœurs qui sont impliqués.
Je tape du pied contre le porche, appuyé contre le mur, le regard dans le vide. Ça fait une semaine que je suis sorti de la chambre de Maddie, et je pensais pas que c'était vraiment possible jusqu'à maintenant, mais elle me manque.
Elle me manque tellement que je douille.
Mais c'est pas comme si j'avais qu'à traverser la rue et entrer dans son dortoir pour lui parler. On a vu ce que ça a donné la dernière fois. Non, parce qu'elle est à Brooklyn, bordel... Brooklyn.
J'ai même pas envie de penser à l'effort que ça a dû lui coûter de retourner là-bas, dans une ville qu'elle déteste autant. Elle est partie à cause de moi. Parce que je me suis tiré et que j'ai piqué une crise, alors qu'elle faisait exactement la même chose que moi.
La même chose que moi. Qu'on ait joué un jeu ou pas, à un moment donné, on serait arrivés au même résultat. À un moment donné, on serait tombés amoureux. Parce que comme l'a dit Megan, la femme de votre vie peut se trouver sous votre nez depuis le début.
J'ai dix-neuf ans. Je cherche pas la femme de ma vie.
Enfin, je cherchais pas. Et Maddie est arrivée. Qu'elle en ait eu l'intention ou pas, jeu ou pas, on a partagé quelque chose. Et je l'ai vu dans ses yeux la dernière fois : c'était pas un jeu pour elle, c'est la chose la plus réelle que j'ai jamais connue.