Chapitre quarante-et-un - MADDIE

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La maison est telle que lorsque je l'ai laissée et un petit frisson remonte le long de ma colonne quand je descends du taxi. Je fais signe au conducteur qui s'éloigne et regarde attentivement la maison.

Construite juste à la périphérie de la ville, cette maison à un étage a été la mienne toute ma vie. J'ai joué dans le jardin à la pelouse aujourd'hui jaunie, j'ai planté les fleurs aujourd'hui flétries et, avec Pearce, j'ai aidé papa à peindre la petite clôture qui l'entoure.

Une clôture blanche. C'est cliché, mais c'était ce que voulait maman - et c'est ce que maman a obtenu. C'était le parfait foyer familial. Jusqu'à sa mort.

Aujourd'hui, la maison n'est plus qu'une coquille. Il n'y a plus d'éclat de rire à la table du petit-déjeuner, plus de bataille d'eau au moment d'arroser les fleurs, et plus de Candy, le cocker de maman, pour vous accueillir à la porte. Candy n'a pas fait long feu après maman.

J'ouvre la grille et me dirige vers la porte d'entrée en tirant ma valise derrière moi dans l'obscurité. Je frappe une fois à la porte et j'entre, repérant la douce lumière qui provient du salon.

- Papa ?
- Maddie ?

Je referme la porte, pose ma valise contre le mur et retire mon manteau. Je pénètre dans le salon couleur pêche, le refuge de maman, et je trouve papa assis dans son fauteuil, dans le coin. Ses cheveux ont un peu grisonné, ses joues se sont creusées et son regard est plus terne que lorsque je l'ai quitté - mais il est encore vivant. Tout juste.

Il tient à peine le coup, survivant un jour après l'autre sans la personne avec laquelle il pensait finir sa vie.

Je lui dépose un baiser sur la joue et lui prends la main.

- Comment ça va ?
- Mieux maintenant que je te vois, Maddie. (Il sourit. Une petite lueur dans ses yeux me dit que c'est la vérité.) Mais qu'est-ce que tu fais ici ?
- Tu me manquais, bien sûr.
- Tu n'as pas encore de vacances.

Je hausse une épaule en baissant les yeux.

- Je voulais juste voir mon papa.

Il me tapote tendrement le dos de la main.

-Bon, d'accord, ma chérie. Pourquoi tu n'irais pas faire chauffer la bouilloire ?
- OK.

Je me dirige vers la cuisine blanche et rouge. Il y a un peu de vaisselle dans l'évier, oh, juste celle de la journée, et je laisse échapper le souffle que je retenais sans m'en rendre compte. Il se nourrit.

- Tu as besoin de prendre tes médicaments bientôt ?

Je fouille dans les placards pour sortir ma tasse Porcinet, et rince rapidement celle de papa.

- Oui, s'il te plaît, répond-il.

Je prépare deux infusions ; je me fiche de ses protestations, il ne boira pas de café à deux heures du matin. Je les emporte au salon et tends ses comprimés à papa. Il les prend sans protester.

- Je ne m'attendais pas à ce que tu sois debout, je dis en regardant par la fenêtre.
- Tout comme je ne m'attendais pas à voir ma fille débarquer au milieu de la nuit.

Je le regarde et il hausse un sourcil. Je hoche légèrement la tête.

- D'accord, mon vieux. T'as gagné.
- Je ne dors pas parce que le nouveau traitement a quelques effets secondaires, comme l'insomnie par exemple, mais toi ? (Il secoue la tête.) J'ai du mal à croire que je puisse manquer autant à ma fille pour qu'elle débarque sur le lieu de ses cauchemars à deux heures du matin.

Je souris tristement, les yeux toujours rivés sur la fenêtre.

- Alors, qu'est-ce qui t'amène, Maddie ? Ton vieux père n'est pas stupide.
- Tu sais quoi, papa ? Je suis vraiment fatiguée. (Je termine mon thé, me lève et m'étire.) Je crois que je vais monter me coucher. Essaie de dormir un peu, d'accord ? Bonne nuit.

Je l'embrasse sur le front et quitte la pièce. Je monte péniblement ma valise à l'étage et ouvre la porte de ma chambre. La pièce rose et blanche est intacte. Je referme la porte et, après avoir enfilé le pyjama que j'avais laissé là, je plonge dans mes draps à l'odeur de rose.

Il se sert toujours de l'adoucissant préféré de maman.

Mon téléphone vibre sur ma table de nuit. Je l'attrape. Le nom de Megan apparaît sur l'écran.

T où ? Tt le monde te cherche. Jay est devenu fou.

Je me mords la lèvre.

Je suis à Brooklyn. J'ai pris le premier vol. Besoin de m'en aller. Désolée. T'inquiète pas. Xo

J'éteins mon téléphone et remonte la couverture jusqu'au menton.

Pourquoi Jay est-il devenu fou? Il est douloureusement évident que tout ce qui l'intéresse, c'est le sexe.

Je choisis d'enfermer toutes ces pensées dans une boîte et je ferme les yeux. Une larme, une seule, coule sur ma joue et tombe sur mon oreiller.

Je me réveille dans une maison silencieuse. Enfin, presque silencieuse. J'ouvre la porte de ma chambre et perçois le léger ronflement qui provient de la chambre de papa - rien de surprenant là-dedans.

J'enfile ma vieille robe de chambre et descends en silence les vieilles marches en bois. Chose surprenante, elles n'ont jamais craqué. Maman m'avait dit une fois que des fées étaient venues nous faire une faveur et avaient ensorcelé les marches pour les rendre silencieuses. Apparemment, elle avait laissé un gâteau au chocolat au fond du jardin pour les remercier.

J'avais sept ans et je l'ai crue. Et pendant les six mois suivants, j'ai cherché sans relâche les fées en question. Curieusement, je ne les ai jamais retrouvées.

Dans la lumière du jour, dans la vieille cuisine, la différence de température me heurte soudain de plein fouet et je frissonne avant de me ruer sur la bouilloire. Pendant que l'eau chauffe, j'observe le jardin par la fenêtre baigné par les faibles rayons du soleil hivernal.

Les souvenirs me reviennent soudain avec la force d'un raz-de-marée. Ils se succèdent rapidement l'un après l'autre dans mon esprit, comme des papillons. Si rapidement que j'en oublie de respirer. Je vois maman et Abbi... Pearce et papa... leurs sourires... la fête de princesse que j'avais eue pour mes six ans... Les fleurs que maman et moi avions plantées pour mes dix ans... Les rosiers que papa avait fait pousser en disant « deux rosiers pour mes deux merveilleuses femmes »... Tout...

Je m'appuie contre le comptoir et pose une main sur ma tempe. Les larmes me montent aux yeux et j'essaie de respirer profondément, de les contrôler, de contrôler le sentiment de vide écrasant qui balaie mon corps tout entier. Il monte et monte encore jusqu'à ce que j'aie l'impression d'étouffer. Des souvenirs plus récents surgissent dans ma tête... et il y en a un qui est constant. Une chose, une seule chose que je n'arrive pas à chasser de mon esprit.

Des yeux d'un marron électrique. Justin.

Je cède au chagrin. Je me laisse aller et je glisse le long du comptoir jusqu'au vieux sol en pierre, tandis que l'eau commence à bouillir bruyamment.

Brooklyn... la Californie... la douleur est intacte.

Jeux Dangereux Tome 1 - Le défiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant