chapitre 5

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Sergio Belucci reserra le noeud de sa cravate. Il enfila sa montre àson poignet gauche sans quitter son reflet des yeux dans le miroir se trouvant dans le p’tit coin qui servait de toilette dans sa chambre de patient. Il avait décidé de quitter l’hôpital aujourd’hui. Il en avait marre de la nourriture sans épices qu’on lui servait depuis maintenant quatre jours. Avec ou sans l’autorisation du médecin, il sortirait.

Il quitta la douche et sortit de sa chambre d’hôpital. Ses quatre gardes du corps l’entourèrent afin de le protéger des paparazzis et des journalistes qui l’attendaient, massés devant la porte vitrée de l’hôpital. Tant bien que mal,, Sergio parvint à se frayer un chemin à travers cette marée humaine et bruyante sans répondre aux questions  qu’on lui posait avant de monter dans sa limousine noire qui démarra dès qu’il fut assis.

Haute taille, âgé de 59 ans, en excellente forme physique, avec peu de séjours hospitaliers àson actif, d’épais sourcils d’un noir de jais, des cheveux sombres légèrement grisonnantes, des yeux noirs et percants, un nez aquilin, des lèvres au pli sévère, Sergio Belucci était un bien bel homme qui avait une longue expérience de la vie.

Il avait fait fortune par hasard, en faisant la découverte d’une mine au fond de laquelle étaient enterrés des kilos d’or. Il avait alors 23 ans et faisait partie des dealers qui sillonaient les rues d’Italie. Il avait pris son petit frère , son unique famille avec lui, et ensemble, ils étaient venus s’installeaux Etats-Unis. Son frère Paolo avait alors 15 ans. Leurs parents, morts dans un incendie sous leurs yeux ne leur avaient rien laissé. Arrivé aux Etats-Unis, il s’était payé des cours d’anglais et avait inscrit son frère dans une excellente école privée avant de l’envoyer étudier à Yale. Paolo était très intelligent, aussi rusé que son grand frère, et d’un charme fou ! plusieurs petites écervelées avaient cédé face à lui et lui avaient fait une confiance aveugle. Il avait brisé bien des cœurs ! féru d’informatique et de chiffres, il avait quitté l’université avec les honneurs et un fabuleux diplôme en poche. Sergio se rappela la fierté qu’il avait éprouvé en voyant son frère prononcer le discours des finissants en tant que président de sa promotion. Rien qu’en y songeant, sergio sentait les larmes lui monter aux yeux.

Son frère avait alors décidé de s’associer avec lui dans ses « affaires ». au début, il avait vivement protesté, refusant de voir son frère finir comme lui alors qu’il avait un avenir si prometteur. Mais devant l’insistance et l’entêtement de Paolo, il avait cédé. Entre-temps, il avait pris des cours de gestion et avait investi, sous le conseil de ses avocats et conseillers financiers, intelligemment son argent dans quelques entreprises qui s’étaient avérées payantes. Très payantes.

Beaux, riches, son frère et lui  étaient liés comme les deux doigts de la main. Ils partageaient tout, se disaient tout, s’aidaient mutuellement…et un beau jour, Leona était arrivée. Apportant avec elle sa blondeur, ses yeux verts, son sourire et son parfum de rose. Superbe poupée de porcelaine, il l’avait rencontrée dans un hôtel à Hawai où il était venu se reposer quelques jours. Elle était venue en demoiselle d’honneur pour le mariage de sa meilleure amie. Ca avait été le coup de foudre. Un amour soudain et intense. Il l’avait poursuivie de ses avances pendant toute la durée de son séjour ; jusqu’à ce qu’elle cède, et revienne aux Etats-Unis avec lui, afin de devenir madame Leona Patrick Belucci.

Un an plus tard, elle mettait au monde un magnifique bébé. Une fille, qu’ils nommèrent Rafaella Sierra Molliegca Belucci.

C’est avec un plaisir enfantin qu’il avit élevé sa malicieuse petite princesse. Il se rappelait les rires qui avaient empli la maison tous les soirs lorsque sa femme, sa fille et lui jouaient à cache-cache dans le salon ; les Noels enneigés et les cadeaux accumulés sous le sapin ; les étés passés sur la côte d’azur, à Disney Land, dans leur maison en Italie ; les cris et les rires lorsqu’ils prenaient tous les trois un bain moussant les dimanches soirs.

Et un jour, alors qu’ils étaient allés passés la journée  au bord de la mer, Leona était allée se baigner. Assise sur le sable, la petite Rafaella avait regardé sa mère s’éloigner du rivage à la nage alors que le ciel  s’obscurcissait de seconde en seconde. Il se rappelait être allé chercher la bouée de sa fille dans le coffre de la voiture et d’avoir relevé la tête pour recevoir une pluie glaciale sur le visage. D’un coup, le vent s’était levé et le ciel s’était obscurci tout en déversant une pluie diluvienne de ses entrailles. Il était monté en voiture pour apprendre à la radio qu’une tempête s’approchait rapidement de la côte, et qu’il fallait rester  sagement chez soi pour attendre la suite des informations. Il avait éteint la radio et s’était rendu en courant sur la plage. Il y avait trouvé Rafaella trempée jusqu’aux os, et grelottante de froid, qui regardait d’un air apeuré l’aspect menacant de la mer houleuse dont les vagues se perdaient l’une dans l’autre avec fureur.

Pris de panique, il avait d’abord mis sa fille à l’abri dans la voiture, avant d’aller plonger dans l’eau déchaînée. Il en était bien vite sorti. Le courant avait failli l’emporter et il était frigorifié. Ilétait retourné à la voiture et avait appelé à l’aide. Désespéré, Sergio avait attendu. Guettant sans cesse l’horizon dans l’espoir d’apercevoir sa femme. Mais elle nétait pas revenue. Le courant l’avait emportée.

Une heure plus tard, Sergio s’était déjà résigné au fait qu’il ne reverrait plus Leona. Ce n’est que deux jours après cette tempête que son corps avait été retrouvé, à des kilomètres de la côte. Il n’avait pas versé une larme lors de l’enterrement. Mais, dans la soirée, sa petite fille de 7 ans était venue le rejoindre dans son grand lit vide. Il s’était alors laissé aller. Il avait longuement pleuré…et Rafaella, petite fille innocente et orpheline de mère l’avait consolé en séchant ses larmes et en lui lisant une histoire de princesse.

Il avait élevé son enfant  avec toute l’affection paternelle dont il était capable. Créant des activités pour la distraire, réservant un jour dans son agenda trop chargé pour s’amuser avec elle et l’éduquer de son mieux. Il l’avait gâtée, chouchoutée, protégée… Il l’avait tenue éloignée des garcons aussi longtemps que possible, car , d’année en année, sa petite fille se transformait en une superbe fleurs qui attirait les regards masculins et les compliments. Mais, lorsqu’à presque 17 ans, elle lui avait demandé des préservatifs et une boite de pilules contraceptives, il n’avait nullement été surpris. Il l’avait emmené chez un gynéchologue, qui lui avait fait des analyses, et prescrit ce qu’il fallait. Connaissant Rafaella et son tempérament fougueux et aventureux, elle se serait débrouillée seule pour obtenir ce qu’elle voulait. Le garcon dont elle était amoureuse avait 18 ans, et s’appelait Marc. Il avait malheureusement péri dans un tragique accident de la route. Il se rappela avoir passé des nuits blanches à sécher les larmes de sa fille et à se demander si elle n’était pas tombée enceinte malgré toutes les précautions prises. Ah, Rafaella ! Son soleil. Sa princesse. Sa fille.

Fille qui lui avait été dérobée sous son nez, le jour même de son mariage ! le salaud ! l’imbécile ! Parce qu’il fallait être un salaud et un imbécile pour oser kidnapper la fille unique, la prunelle des yeux de Sergio Belucci, le jour où cette dernière allait s’unir à l’homme de sa vie , lors d’un mariage s’élevant à un million et demi de dollars !

L’imbécile ! Car Sergio savait que c’était cet imbécile de commissaire de pacotille quilui avait volé son bien le plus précieux. Ce crétin avait abattu son petit frère. Le seul membre de sa famille qu’il chérissait et sur qui il veillait jalousement. Ce commissaire, ce détective, s’était permis de tuer Paolo. Son paolo. Son frère ! alors, il lui avait rendu la monnaie de sa pièce. Œil pour œil, dent pour dent n’est-ce pas ?

Mais ce rusé de salaud n’en était pas resté là. Après un an de silence, il avait ressuscité et s’en était pris à son bébé. Sa Rafaella, qui aurait dû vivre le plus beau jour de sa vie dans la maison du Seigneur ! lorsqu’il avait découvert que sa fille avait été enlevée, il avait eu un arrêt du cœur. Mais ce petit incident n’avait fait que renforcer sa colère.

Personne ne touche à la fille de Sergio Belucci.

Le masque du mensongeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant