Rafaella déposa le papier sur son lit. Relire les analyses qui confirmaient sa grossesse la chamboulait totalement.
D’un côté, elle était heureuse de porter l’enfant de l’homme qu’elle aimait. Un enfant de Gaël, mignon comme son père, charmeur, intelligent…mais d’autre part, elle était paniquée ! Elle n’avait jamais pensé à avoir un enfant, et encore moins dans de telles circonstances, alors qu’elle voyait en cachette l’homme qui voulait venger la mort de sa femme et de son enfant. Comment élever un bébé dans de telles conditions ?
Prise d’une soudaine nausée, Rafaella se précipita aux toilettes.
XXX
Il regarda son bureau d’un œil soupçonneux. Ses mains les démangeaient, il avait la rage au cœur. Il se rapprocha du meuble et actionna le mécanisme qui dissimulait aux regards ce qu’il gardait pour lui. Sur les trois étagères, il repéra ce qu’il cherchait. Il tourna lentement sa caméra numérique entre ses longs doigts…il l’alluma…mais ce qu’il désirait voir n’apparut pas.
- Rafaella, Rafaella, Rafaella, murmura-t-il en reposant l’appareil et en quittant la pièce.
A pas comptés, il gagna l’étage par l’escalier en spirale. Ses pas étaient étouffés par la moquette qui recouvrait le couloir menant aux chambres. Celle de Rafaella était entrouverte. Un simple geste de la main et il pénétra dans le sanctuaire de sa fille.
Les yeux sombres de Sergio Belucci balayèrent la chambre, avant de s’arrêter sur le lit orné d’un drap de soie ivoire. Il se rapprocha à pas feutrés et prit le papier qui avait capté son attention. Étonnement, déception, fureur, telles étaient les émotions qui luttaient dans son cœur. Car, la seule phrase qu’il retint et qui lui fit mal fut :
- …nous avons le plaisir de vous annoncer que vos analyses de sang ont révélé une grossesse de quatre semaines…
Sergio froissa le papier médical dans sa main et la laissa tomber au sol.
Rafaella recracha le liquide amer qu’elle avait dans la bouche en se tenant le ventre. Essoufflée par les contractions violentes de son estomac, la jeune femme ferma un instant les yeux avant de les rouvrir et de tirer la chasse d’eau. Si c’était ca être enceinte, elle n’aimait pas trop ce qui lui arrivait.
Les jambes flageolantes, Rafaella se dirigea vers le lavabo. Elle tourna le robinet et se pencha pour se rincer la bouche. Elle s’aspergea ensuite le visage d’eau fraiche. Cela l’apaisa grandement. Mais, lorsqu’elle leva la tête pour regarder son reflet dans le miroir, son sang se glaça dans ses veines. Le reflet de Sergio Belucci, les mains dans les poches, un sourire ironique aux lèvres la fit sursauter. Il semblait être là depuis un moment.
Rafaella frissonna et inspira profondément, avant de sourire à son père, mine de rien.
- Tiens, papa ! tu…tu es là longtemps ?
Il pencha la tête sur le côté, affichant toujours ce même sourire qui semblait dire : « tu crois gagner la partie ? Mais tu es loin du compte ! »
- Cela fait à peine cinq secondes…tu es bien pâle princesse. Tout va bien ?
Cette voix douce, tranquille, ce regard sournois, démentaient son attitude sereine. Il m’a vu pensa Rafaella. Il sait tout.
- O-oui papa. Tout va bien. Pourquoi ?
- Parce que, commença-t-il en entrant dans la pièce en lui tournant lentement autour, tu es très pâle, tu trembles dit-il en passant deux doigts sur son épaule, tu vomissais, et surtout…tu empestes la peur.
- Mais enfin de quoi tu parles papa ?
Pla ! Une gifle cinglante retentit sur la joue de Rafaella qui tituba sous le coup de la surprise.
- Arrête de faire semblant ! ca ne sert plus à rien, je sais tout ! cria-t-il. Comment as-tu osé ?
- Papa, pleurnicha-t-elle. Je te jure que je ne sais pas de quoi tu parles !
Une nouvelle gifle tomba, plus forte que la précédente. Rafaella tomba à la renverse sur le sol. Sa tête heurta dans sa chute violemment le carrelage et elle s’évanouit.
Sergio regarda le corps inerte de sa fille étendue sur le sol sans qu’aucune émotion ne paraisse sur son visage. Pourquoi lui avait-elle fait ca ? Pourquoi sa petite fille lui avait-elle menti ? Tout cela était de la faute de ce policier…il l’avait embobinée…et il paierait pour ca !
XXX
- Ca y est chef. Nous avons tout.
- C’est parfait ! Gaël, Jim, Carl, Brad, avec moi ! allons coffrer ce salaud ! dit Reynolds avec détermination.
Gaël sourit. Lui aussi éprouvait la même euphorie que son patron à l’idée de voir Belucci en prison. Sergio enfermé, il pourrait enfin chasser ses vieux démons et être avec Rafaella. Rafaella qu’il devrait protéger. Non seulement son respectable père irait en prison, mais les journaux à scandale ne la lâcheraient pas, surtout en découvrant que la fille de l’assassin sortait avec l’ange vengeur. Gaël s’apprêtait à sortir après ses amis déjà partis en courant lorsque son portable vibra dans sa poche. Le numéro affiché à l’écran lui était inconnu, pourtant il décrocha.
- Lespinasse à l’appareil.
- Bonjour cher ami.
Gaël reconnut tout de suite cette voix. Il su alors que quelque chose de grave se passait. Et il était prêt à parier que Rafaella avait quelque chose à y voir.
- Sergio ? pourquoi m’appelez-vous ?
- Hum…je pense que tes petits amis policiers sont en route pour venir m’arrêter non ? alors, change tes plans. Toi et moi devons parler de quelque chose qui nous concerne tous les deux.
- Rafaella…
- Quelle perspicacité ! railla Sergio. Retrouve-moi à l’entrepôt 17…là où tout a commencé.
- Ecoutez espèce de malade…
- Tu n’as pas intérêt à alerter tes amis flics, sinon je te jure que le sang coulera !
- Si vous lui faites du mal, je…allo ? allo ?!
Gaël regarda son téléphone sans y croire. Rafaella…il voulait faire du mal à Rafaella. Cet homme était-il assez cinglé pour faire du mal à sa propre fille ?
Gaël regarda l’heure à sa montre : 11h57. Il devait se dépêcher. Il sortit à l’extérieur en courant, le cœur menaçant de sortir de sa poitrine. Rafaella était en danger et lui seul pouvait la sauver.
En sortant du commissariat, il pila net sur son supérieur qui l’attendait, visiblement furieux qu’il ait tant tardé.
- Te voilà enfin ! tu nous a fait perdre des minutes précieuses Gaël. En voiture, vite !
- Euh…
- Quoi encore ?...tu es bien pâle. Qu’est-ce qui se passe Gaël ?
- Je ne pourrai pas vous accompagner chef.
- Ah non ? et pourquoi ca ?
- Parce que c’est ainsi et pas autrement ! ne me demandez plus rien par pitié.
- Gaël, ca fait plus d’un na que tu veux te venger de Belucci, et là tu fais marche arrière ? s’étonna Reynolds.
- Je ne fais pas marche arrière. C’est juste que…qu’il y a quelqu’un qui a besoin de moi.
Gaël héla un taxi qui passait par là et monta à bord, un pli soucieux entre les sourcils.