Chapitre 6

6K 458 41
                                    

- GLENN -

Le lundi matin, tout est en place. Il n'y a plus qu'à attendre que les deux cruches arrivent.
Tranquillement, je les attends sur un banc, entouré de ma bande de macaques et bien en face du lieu où tout va se dérouler.
Enfin, elles passent la grille.

- ALIX -

Alors que nous arrivons en riant, je vois Lila s'arrêter subitement comme si elle était paralysée. Je tourne la tête et je remarque que tout le monde nous regarde. Je fronce les sourcils et j'essaye de comprendre pourquoi tous nous observe comme s'ils attendaient une réaction.
Soudain, du coin de l'œil, je vois Lila s'avancer, sans bruit, vers le hall du lycée. Celui-ci, contrairement à son habituel transparence dûe aux vitres qui composent ses "murs", semble tapissé de quelque chose.
Je m'approche, à l'instar de mon amie, et ce que je découvre me laisse sans voix.
Des photos. Des centaines de photos sont affichées partout.
Et sur ces clichés, on peut voir Lila en compagnie d'une fille. Et si encore ce n'était que ça.
Parce que sur au moins trois quarts de ces bouts de papiers, Lila embrasse cette même fille. Et pas un petit baiser de bonjour ou je ne sais quoi. Elle lui roule carrément des patins, là.
Comment est-ce que j'ai pu être aussi aveugle et ne pas voir que ma meilleure amie est lesbienne ?
Subitement, la réalité me rattrape et je suis de nouveau dans la cour, entourée d'élèves qui chuchotent. Certains bouts de phrases me parviennent d'ailleurs aux oreilles comme : "Vous croyez qu'elles sont ensembles ?" "Non, impossible, t'as vu la tête de l'autre fille ?" "Elle est peut-être juste choquée de voir qu'il y a eu quelqu'un avant elle ?" "C'est dégoûtant, dire que je me suis changée devant elle !" "Et moi, je suis à côté d'elle en allemand, si ça se trouve, elle est tombée amoureuse de moi. Quelle horreur !" "Ou de moi quand je l'ai bousculé." "C'est ignoble de nous infliger ça dès le matin, ça me file la gerbe." "C'est contre-nature ça." "Tu crois qu'elle cachait ses préférences sexuelles grâce à son look ?" "Yerk ! C'est répugnant !"
Et puis, le temps semble s'arrêter quand mon regard croise celui de Lila.
Le sien est embué, rempli de larmes. Ses poings sont serrés si fort que ses jointures en sont blanches. Sa lèvre inférieure tremble tout comme ses jambes.
Tout son être hurle sa souffrance. Et ses yeux reflètent tellement d'émotions - énormément de chagrin, de la colère, de la peur et de la haine, envers les autres et probablement elle-même - que l'espace d'un instant, j'ai envie de détourner les yeux pour ne plus avoir à les regarder. Mais je ne peux pas. Parce que quelque part, sa douleur m'est insupportable.
Je refuse que mon amie souffre ou soit malheureuse. Alors, je fais la seule chose que je puisse faire dans cette situation.
Je m'approche du mur et j'arrache le plus de feuille possible. J'en enlève le maximum. Je déchire une par une ces stupides photos dans le plus grand silence - tous se sont tus et doivent me prendre pour une folle.
Quand j'ai arraché toutes celles que j'ai pu atteindre de ma petite taille, je me tourne vers Lila et constate qu'elle n'est plus là.
Devant moi se tient Glenn Marchal et sa bande "d'amis" à quelques mètres derrière lui.
Il me sourit narquoisement et s'approche de moi, jusqu'à mon oreille, pour me chuchoter :
" Si tu cherches Punkette, elle est partie dès que tu t'es plantée devant le mur.
- Je n'ai pas besoin de ton aide, je lui réplique d'un ton acide.
- Oh mais je ne t'aide pas. Je veux dire, qui crois-tu qui soit responsable de ça ? Non, je suis juste là pour te rappeler que je t'avais mise en garde, chérie. Si t'avais ouvert les yeux plus tôt - et je ne parle pas uniquement de cette situation mais aussi du secret de celle que tu te plaît à appeler ta "meilleure amie" alors que tu ne la connais pas réellement - tout cela aurait pu être évité. Tu es vraiment inutile, Garcia. En plus d'être stupide, bien entendu.
Ce bâtard sait exactement où appuyer pour me faire mal. Et il a raison en plus. J'ai beau me dire qu'il dit ça pour essayer de me briser, je n'arrive pas à contredire ses affirmations.
Ressaisis toi Alix ! Ce n'est pas le moment, Lila a besoin de toi !
Je murmure alors, doucement :
- Par où est-elle partie ?
- Je n'ai pas à te répondre Miss-je-pète-plus-haut-que-mon-cul
Je le regarde, consternée face à ce comportement de gosse pourris gâté... Me dites pas qu'il m'en veut à cause de l'art plastique... Non mais qu'est-ce que c'est que ce mec ?!
Alors que j'allais répliquer la sonnerie retentit et il me passe devant, sa "bande" sur ses talons pour se rendre en cours.
Une fois seule, je réfléchis à l'endroit où pourrait se trouver Lila - car il est clair qu'elle n'ira pas en cours.
Il n'y a que très peu de possibilités en fait ; les toilettes, la bibliothèque ou le toit - les autres endroits étant trop fréquentés.
Et connaissant Lila, elle n'irait jamais pleurer à la bibli ou aux toilettes. Alors, n'ayant plus qu'une option, je m'élance et cours jusqu'aux portes menant au toit.

Another breath...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant