Chapitre 8

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- ALIX -

Les raviolis lui tombent dessus un par un. Il n'y a plus un bruit dans le self et je n'ai jamais connu un silence aussi lourd que lorsque je lui lance :
"Ah, au fait, il serait temps que tu retienne mon prénom, nan ?
Je suis Alix. Alix Garcia. Et t'as plutôt intérêt à t'en souvenir."
Tout le monde me regarde comme si j'avais subitement un troisième œil ou je ne sais quoi. Dans un sens, c'est un peu ça.
J'ai eu une poussée de courage et je me suis rebellée contre ces stupides gosses de riches.
Certes, ce sera probablement la pire chose que j'ai jamais faite sur le long terme. Mais sur le moment, je crois que je ne me suis jamais sentie aussi heureuse depuis que j'ai rencontré tous ces suppos de Satan.
Il se contente de m'observer, comme s'il ne réalisait pas vraiment la situation, comme s'il n'arrivait pas à croire que j'ai osé lui vider une assiette sur la tête, en bref, d'un regard totalement incrédule.
Et soudain, il semble réaliser la situation ; il paraît prendre conscience que des pâtes et de la sauce tomate dégoulinent le long de son visage.
Il se lève lentement et me regarde fixement. Pour un peu, j'en aurais presque frissonné tant ses yeux semblent emplis de colère à ce moment-là. Seulement, je suis moi aussi en colère et bien plus que lui je pense.
Nous nous fixons en chiens de faïences pendant de long, de très longs instants. Puis il lâche :
"C'est quand tu veux pour les excuses, Alix, dit-il d'un ton sarcastique.
- Tu peux attendre encore longtemps, Glenn, je réponds sur le même ton.
- Je ne crois pas non. Excuse toi immédiatement.
- Va te faire voir, Marchal. La seule chose auprès de qui je devrais m'excuser, c'est ton tee-shirt. Je n'ai pas à présenter mes excuses à ta sale tronche d'enfoiré pour un truc qu'elle a mérité.
- Ah parce qu'en plus j'ai mérité de subir ça ?
- Parfaitement. Toute cette merde à commencé avec ton arrivée. Tu m'as avoué être responsable des photos de ce matin et je suis certaine que cet attroupement n'est dû qu'à toi. Donc, non, Glenn. Je n'ai pas à m'excuser."
Sans même lui laisser le temps de répliquer, je me détourne de lui, j'attrape Lila et je sors, sans me presser, plus fière que je ne l'ai jamais été.

- GLENN -

Salope. Garce. Pute. Connasse. Enfoiré. Déchet humain. Pétasse.
Je fais tourner ce mantra plusieurs fois dans ma tête pour essayer de me calmer même si n'a pas l'air franchement concluant pour le moment.
Non seulement elle me renverse une assiette sur la tronche mais en plus, cette garce me laisse en plan, sans excuses.
Cette salope ne s'en tirera pas comme ça.
En plus, je suis même pas allé au bout du bout des pires actions sur sa pote.
J'aurais très bien pu la détruire totalement si je l'avais voulu. Elle était totalement à ma merci. Tch. Ça me saoûle.
Je reviens peu à peu sur terre et je constate que tout le monde m'observe en guettant une réaction. Je relève le menton, dans une attitude fière et je jette un regard de mépris à tous les gens qui m'observent.
J'ôte l'assiette de ma tête et je me nettoie comme je peux en enlevant un maximum de ces foutus raviolis - c'est décidé, je déteste officiellement ces pâtes - puis je sors, calmement, du self pour me diriger vers la salle d'art plastique qui possède de nombreux lavabos. Au passage, j'en profite pour prendre un tee-shirt traînant dans mon casier et je continue jusqu'à ce qui est devenu une salle de torture pour moi depuis ce matin.
Je passe la porte qui est toujours ouverte et me rends directement aux lavabos. Je commence par me nettoyer la tête puis, j'essaye de sauver mon tee-shirt. Mais j'ai beau frotter, les tâches ne partent pas. Tch. C'est dans ces moments là que mes femmes de ménage devraient être présentes. Seulement ces cruches ne sont pas là. Vraiment gonflant comme situation. Finalement j'abandonne et vais jeter mon tee-shirt à la poubelle.
Soudain, la porte s'ouvre et j'ai le réflexe de me plaquer contre le mur en voyant qu'il n'y a pas une mais deux personnes qui entrent dans la salle.
J'ai alors la surprise de découvrir notre prof d'art plastique embrassant langoureusement un mec de ma classe - Arsène, je crois.
Oh oh. Voilà quelque chose de très intéressant. Il me semble bien que c'est interdit pour un prof de se taper un élève - même si celui-ci a redoublé et à 19 ans -, non ?
Je prends plusieurs photos avec mon portable puis je donne un coup de pied dans la table la plus proche de moi.
Effet radical.
Arsène lâche la prof et se tire en courant.
Elle, elle cherche l'origine du bruit et quand elle me remarque, épaulé au mur, j'ai le plaisir de constater qu'elle a blêmit.
Elle se plante devant moi, les bras croisés, et attend que je parle. Je la laisse donc mariner pendant quelques instants avant de déclarer calmement :
" J'imagine que vous voulez pas que ça se sache, pas vrai ?
- Effectivement, je préférerais éviter, rétorque-t-elle.
- Alors on va bien s'entendre. Que diriez-vous de gentiment obéir à mes ordres et en échange, dans mon extrême bonté, je ne dirais rien de compromettant - comme le fait que vous vous tapez un de vos élèves - pour votre carrière ou votre intégrité de professeur ?
- Est-ce que j'ai vraiment le choix ? répond-elle avec un petit sourire triste.
- Vous pouvez toujours vous dénoncer maintenant.
- On va éviter. J'aime bien mon métier.
- J'en conclus que nous avons un accord.
- T'en conclus bien.
- Bien. Maintenant, je vais vous laisser nettoyer ces pinceaux bien encrassés."
Elle a l'air de s'apprêter à protester puis elle se ravise et secoue vaguement la tête.
Quant à moi, je ressors la tête haute, un grand sourire scotché aux lèvres. Finalement, cette journée n'est pas si mal.

- ALIX -

Par la suite, j'accompagne Lila aux toilettes pour qu'elle puisse se nettoyer le visage. Arrivées là-bas, elle s'effondre dans mes bras et pleure de tout son soûl dans mon manteau pendant que je lui frotte le dos et attends qu'elle vide son réservoir de larme.
Elle finit par se relever et se moucher bruyamment avec le mouchoir que je lui tends. Puis elle s'approche d'un des miroirs accrochés au mur et je constate qu'elle fait une petite grimace de dégoût quand elle aperçoit son reflet dans la glace. C'est vrai qu'elle fait presque peur avec ses grandes coulées de mascara, son rouge à lèvre rose fluo qui a débordé de partout, ses cheveux complètement décoiffés et ses fringues dans tous les sens.
Elle essaye de remettre un peu d'ordre dans tout ça - même si je pense que c'est une cause perdue - puis elle me regarde bizarrement jusqu'à ce que je finisse par lâcher un "Quoi ?" retentissant.
"Tu vas avoir des problèmes. Beaucoup de problèmes, dit-elle d'une voix très proche de la voix colérique.
- T'inquiète, je gère.
- Tu gères rien du tout. Maintenant, c'est toi qu'ils vont prendre en grippe.
- Je sais.
- Non tu sais pas. Qu'est-ce qu'on va bien pouvoir faire ?
- Toi, rien. Ça ne regarde que moi si j'ai pété un câble.
- Je vais pas te laisser dans ta merde.
- Si. Tu vas le faire.
- Non.
- Si.
- Non.
- Si.
- Non et c'est mon dernier mot.
Je soupire en pensant que ce n'est pas le mien mais je laisse couler pour le moment.

Le soir, je rentre chez moi de bonne humeur grâce à mon action de ce midi et parce que je n'ai subi aucune représailles pour le moment. Et puis j'aperçois que la voiture de mon père se trouve dans l'allée. Or s'il est là si tôt, ça ne peut signifier qu'une seule chose.
J'ai à peine le temps de passer la porte que deux bras m'entourent et qu'on pleure dans mon cou.
" Clara, Clara. Alix me manque.", sanglote mon père.
"Je sais.", je murmure.

N.d.a : Tiens, j'ai réussi à écrire un autre chapitre finalement. X)
Je vous laisse donc sur ce petit mystère de nom pour le moment.
À la prochaine,
Latte

Another breath...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant