Chapitre 15

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- ALIX -

Midi et demi.
Dieu merci nous n'avons cours qu'une demi journée.
Je suis en miette et j'ai l'impression que je pourrais m'écrouler à chaque pas que je fais.
Qu'à cela ne tienne, il faut que j'aille bosser cet aprèm. Je ne peux pas laisser le patron avec une seule serveuse pour faire tourner la boutique. D'autant plus si c'est Marcy la serveuse en question.

Lorsque je passe la porte, j'entends un "Bienvenue" retentir et j'observe le patron venir vers moi, le visage souriant. Puis, en voyant mon état apparent, il fronce les sourcils si fort qu'on dirait qu'un mono-sourcil a poussé entre ses deux yeux.
"Alix, je peux savoir pourquoi ton nez ressemble à une tomate transgénique ? demande-t-il en croisant les bras.
- Oh pour rien monsieur. Juste un accident de ballon en cours de sport aujourd'hui.
- Hier les escaliers et aujourd'hui, le sport ? Il faut vraiment que tu fasses plus attention à toi. Est-ce quelque chose te préoccupe ? Tu peux me le dire, tu sais ?
- Non, tout va bien, rassurez-vous. Je dors juste mal depuis deux-trois nuits alors je suis un peu moins attentive. Mais ne vous en faites pas, ça va.
- Tu devrais rentrer chez toi et te reposer, ma grande.
- Ne vous inquiétez pas, je ne suis pas en sucre. En plus, j'ai besoin de ce travail et je me sentirais mal si vous me payez alors que je ne fais rien.
- Ce n'est pas comme si tu baillais aux corneilles pendant tes jours de boulot. Tu travailles constamment. Il est normal que tu doives te reposer, tu sais ?
- Oui patron.
- Bon, comme ta chute ne date que d'hier mais que je ne crache pas sur un petit coup de main, je te propose de tenir la caisse. Ça t'éviteras de trop bouger et d'avoir mal.
- Merci monsieur.
- En plus comme ça, ajoute-t-il en plaisantant, tu ne feras pas peur aux clients que tu devrais servir en temps normal."
Je lui tire la langue avant de lui lancer un sourire et je pars me changer.

La plupart de mes bleus sont noirs et certains ont une taille conséquente comme je peux le voir dans les vestiaires. Mon nez ne ressemble plus à rien et je me dis que le patron a été plutôt gentil lorsqu'il l'a qualifié de tomate transgénique. On dirait plus un poivron croisé avec une écrevisse que l'on aurait éclaté en plein milieu de mon visage.
L'image pitoyable que me renvoie le miroir me donne presque envie de tout raconter au patron. Mais je ne peux pas l'impliquer là-dedans. Je suis sûre que Marchal trouverait un moyen pour lui faire du mal.
Quand je pense que ça ne fait que deux jours. Deux jours et mon corps est réduit à un étau de souffrance. Qu'est-ce qui peut bien m'attendre demain ? Douleur physique ou douleur psychique ? Peut-être même les deux. À cette idée, un long frisson parcourt mon corps.
Non. N'y pense pas. Pas maintenant. Concentre toi sur la tâche qu'on t'a confié.
Et c'est ce que je fais pendant le reste de la journée malgré le fait que je doive faire de nombreuses pauses pour tenir le coup.

Lorsque je rentre chez moi, le soir, je suis soulagée de voir que mon père n'est pas là.
Allongée sur mon lit, les larmes aux yeux, je me contente de réfléchir à ma situation.
Je me plais à m'imaginer partir loin de tout ça, de ma vie. De fuir toutes ces emmerdes. Mon père, Marchal, Lila et sa peine, le lycée...
Et puis je me rappelle que je suis enchaînée. Je ne peux pas partir. Parce que je n'ai pas passé deux ans et demi dans un lycée de bourges qui permet d'accèder aux meilleures universités pour rien.
Parce que je ne les laisserais pas s'en prendre de nouveau à Lila. Car il ne fait aucun doute que ce sera elle la prochaine si jamais j'abandonne.
Parce que je n'ai pas passé huit ans à m'occuper de mon père pour finalement l'abandonner à son sort.
Et surtout, parce que je refuse de laisser Glenn gagner. Non. Impossible que je laisse ce plaisir à cet enfoiré de première.
Alors, je me résigne et c'est avec désespoir que je songe que tout ne fait que commencer. Que l'on en est seulement à deux jours.
Et, dans l'intimité de ma chambre, les larmes coulent en silence sur mon visage meurtri.

- GLENN -

Je la vois arriver ce matin, de loin, marchant la tête baissée et longeant les murs.
Même sa tenue semble avoir été faite pour se fondre le plus possible dans le paysage. En effet, ce n'est pas avec un pauvre pull noire, un jean tout ce qu'il y a de plus banal et des petites baskets noires que l'on trouve dans des grandes surfaces qu'elle risque de se faire remarquer... Ou alors peut-être que si vu que même certains boursiers portent des marques. Pauvres pauvres petits. Je vous plains. Vous aurez beau essayer autant de fois que vous voulez, vous ne nous ressemblerez jamais. Nous ne sommes pas du même monde. Et bien que certains de mes congénères sont particulièrement stupides, ils ne s'abaisseront pas à sortir avec vous.
Toujours est-il qu'elle fait profil bas. En même temps avec ce qu'on lui fait subir depuis deux jours... Le contraire aurait été étonnant.

Another breath...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant